La photo-souvenir, monument de l'histoire privée

A l’occasion de la publication du volume collectif Visiteurs photographes au musée, dirigé par Serge Chaumier, Anne Krebs et Mélanie Roustan (La Documentation française), je reproduis mon article conclusif, synthèse de deux notes précédemment publiées sur ce blog (« La photo au musée, ou l’appropriation« , « Photos de vacances« ).

Photo volée, musée d'Orsay, 2011 (photo: André Gunthert).

Faut-il autoriser ou interdire la prise de vue d’œuvres d’art par les visiteurs des musées? Se poser cette question témoigne de la profonde méconnaissance des usages privés de la photographie.

La principale raison invoquée pour justifier sa limitation tient aux perturbations occasionnées pour les visiteurs. De nombreux lieux doivent faire face aux contraintes d’une affluence croissante. Qu’on s’en réjouisse ou qu’on s’en afflige, le phénomène de massification des publics des grands musées ou des principaux événements culturels est une réalité qui pousse dans ses retranchements le modèle de l’exposition. Dès lors que cette situation apparaît durable, les réponses ne sauraient se limiter à des expédients.

De nombreux éléments sont susceptibles de nuire à la qualité de la visite. Les groupes guidés ou les visiteurs munis d’assistance audio, qui stationnent plus longtemps devant les œuvres et contraignent les circulations, ne sont pas moins gênants que la répétition de l’opération photographique. Le choix de limiter celle-ci plutôt que les autres facteurs de perturbation ne relève pas d’une analyse raisonnée, mais seulement d’un préjugé qui situe la photographie au bas d’une échelle de légitimité dont le sommet est le dispositif d’exposition.

Depuis le XIXe siècle, rarement pratique aura fait l’objet d’un aussi unanime désaveu que les usages privés de la photographie. Il faut attendre 1965 pour voir publier la première étude scientifique de la photographie amateur, commandée par Kodak-Pathé au sociologue Pierre Bourdieu [1] Pierre Bourdieu (dir.), Un art moyen. Essai sur les usages sociaux de la photographie, Paris, Minuit, 1965.. Plutôt qu’un examen de ses fonctions sociales, celle-ci apparaît comme un réquisitoire à l’encontre d’un « goût barbare », manifestation d’une absence de compétence esthétique et d’une vision décrite comme fonctionnelle et stéréotypée.

Sa banalité même semble décourager l’analyse. Lorsqu’il mentionne la photographie touristique, à l’occasion d’une visite à Disneyland Paris, l’anthropologue Marc Augé se borne à un mince constat: «On va à Disneyland pour pouvoir dire qu’on y est allé et en fournir la preuve [2] Marc Augé, L’Impossible Voyage. Le tourisme et ses images, Paris, Rivages, 1997, p. 26.», observation qui n’appelle pas d’autre commentaire que le soupçon du caractère superflu d’une telle attestation.

Quelques travaux plus attentifs sont heureusement venus corriger cette approche trop sommaire. En 1987, l’anthropologue Richard Chalfen renverse la vision d’une pratique discréditée en soulignant l’ampleur de la production de l’image de soi et ses significations dans l’espace privé: «Les gens gardent, conservent et chérissent ces images bien plus que de nombreux autres biens en leur possession [3] Richard Chalfen, Snapshot Versions of Life, Bowling Green, Bowling Green State University Popular Press, 1987, p. 1 (je traduis)..» En 2010, dans la lignée des travaux du sociologue Erwing Goffman, les géographes Michael Haldrup et Jonas Larsen décrivent la photographie touristique comme un théâtre de représentations sociales complexes [4] Michael Haldrup, Jonas Larsen, Tourism, Performance and the Everyday. Consuming the Orient, Londres, Routledge, 2010..

On peut analyser l’usage de la photographie au musée comme relevant de trois registres entrecroisés: le geste documentaire, le geste reliquaire, le geste réflexif. Le premier de ces trois registres paraît relever de l’évidence. Encore faut-il comprendre à quelles contraintes il répond. Tous ceux qui prétendent que l’opération photographique dresse un écran entre le spectacle et le spectateur n’ont jamais observé les visiteurs d’un musée, qui offre un magnifique laboratoire à l’examen des pratiques documentaires spontanées du grand public.

Photographie documentaire, pierre de Rosette, British Museum, 2008 (photo: André Gunthert).

La description traditionnelle de la foule massée devant la Joconde ne permet pas de saisir l’utilité du geste photographique. Celui-ci apparaît en revanche dès qu’on suit un groupe ou une famille dans sa déambulation. On peut alors observer que l’acte d’enregistrement n’est nullement compulsif, hasardeux ou irréfléchi. Les visiteurs passent devant les pièces, parfois insensibles, souvent attentifs, mais il est clair que le geste photographique correspond à chaque fois au point culminant de leur intérêt. Un visiteur ne photographie jamais un objet indifférent: il consigne au contraire ce qui attire son attention, ce qu’il aime, ou ce dont il veut conserver l’image. Loin de former écran, la photo est au contraire une marque d’attention, la manifestation de l’accueil d’une œuvre au sein du patrimoine privé de chacun.

On reproche à l’appareil photographique de raccourcir la durée de la consultation. Son absence occasionne en effet un ralentissement sensible de la visite. Mais le visiteur est-il toujours maître des conditions dans lesquelles celle-ci s’effectue? La présence de jeunes enfants impose le plus souvent d’écourter le parcours. Faut-il pour autant les priver du bénéfice d’une expérience précoce? Selon qu’il est seul ou en famille, habitué d’un musée ou touriste de passage, concerné par un sujet ou pas, disposant de son temps ou pressé par les circonstances, c’est au visiteur que revient de choisir le rythme de son allure et la qualité de son appréciation. Dans la multiplicité des conditions réelles de l’expérience du musée, l’enregistrement visuel fournit un support documentaire utilisé comme un moyen de gestion de la visite. La photographie est une façon de répondre à la profusion muséale, elle donne l’impression de pouvoir l’affronter, la contrôler avec plus de sérénité.

Elle est d’autant plus utile que le visiteur est plus éloigné de la proposition muséale. Penser que la haute culture peut être un attribut naturel de la sensibilité est un paradoxe. Le visiteur dépourvu de bagage se sent mal à l’aise dans un espace dont il ne maîtrise pas les codes. La capacité à mobiliser une ressource documentaire personnelle est un outil essentiel du processus d’appropriation, que ne remplace pas l’offre éditoriale.

La deuxième fonction de la photographie au musée s’inscrit dans le contexte plus large des pratiques touristiques. Le volume dirigé par Pierre Bourdieu en 1965 ne comprend qu’un bref passage consacré au tourisme. Niant la valeur esthétique de l’environnement choisi, Bourdieu décrit la photographie touristique comme un exercice de «solennisation réciproque des personnages et du décor». C’est à partir de là qu’il conclut que les images privées «restent dominées dans leur intention et leur esthétique par des fonctions extrinsèques», débouchant sur la définition du fameux « goût barbare [5] Pierre Bourdieu (dir.), op. cit., p. 60. ».

Il est en réalité trop rapide de délier tourisme et esthétique. Comme l’explique Marc Boyer, l’émergence du tourisme au XVIIIe siècle, sous la forme codifiée d’une entreprise pédagogique destinée à former les jeunes aristocrates anglais par le voyage à Rome (ou en France méridionale), le définit fondamentalement comme une expérience esthétique et culturelle [6] Marc Boyer, Histoire de l’invention du tourisme, 16e-19e s., La Tour d’Aigues, éd. de l’Aube, 2000.. Le Guide Vert (populaire série de guides touristiques français, éditée par le fabricant de pneus Michelin depuis 1926) représente certes une version fort amoindrie de l’érudition mobilisée par L’Itinéraire de Paris à Jérusalem de Chateaubriand. Mais c’est bien dans cette tradition que s’inscrit une collection qui, comme son lointain précurseur, mêle renseignements pratiques et informations culturelles. Elle offre au voyageur un canevas précis de l’expérience touristique, avec ses propositions de parcours ou ses ressources historico-géographiques, qui sont autant d’aliments venant nourrir un imaginaire tout à la fois romanesque et savant.

Compter pour rien l’expérience du tourisme, ou la réduire à un plaisir dévalué au prétexte qu’elle est partagée par des millions d’individus, conduit logiquement la plupart des auteurs à négliger la signification de l’opération photographique qui lui est coextensive. Cette minoration est des plus étranges: attachée aux moments privilégiés et rares d’un loisir étendu, de la réunion familiale ou amicale, résultat d’un investissement économique souvent conséquent, la pratique touristique est un des temps forts de la construction culturelle et existentielle de l’individu.

Le caractère itératif de l’expérience touristique fonctionne à l’évidence comme un écran pour la plupart des auteurs, qui semblent attendre du touriste un comportement d’aventurier ou d’explorateur à la recherche des sources du Nil. Ils oublient ce faisant que le prototype fondateur du tourisme, le voyage à Rome, ou son ancêtre dévotionnel, le pèlerinage à Jérusalem, ne se sont précisément constitués comme modèles culturels qu’en tant qu’exercices d’une réïtération et d’un partage d’expérience à l’échelle d’une société.

Touristes devant la statue de la Liberté, New York, 2008 (photo: André Gunthert).

La notoriété d’un site et la répétition de sa découverte par des millions d’individus ne sont donc pas des obstacles à un idéal d’aperception naïve et originale, mais au contraire les conditions mêmes qui définissent l’expérience touristique – expérience culturelle complexe, formée par la désignation préalable des lieux représentatifs pour une culture donnée, par la mobilisation d’une érudition qui en justifie les caractères, et par la participation individuelle à l’espace symbolique ainsi délimité.

Cette émotion fondamentalement culturelle et sociale explique l’hyperesthésie développée par le touriste face au spectacle identifié comme tel. Le jeu de la référence installe une perception diffractée par l’érudition. Le touriste jouit de ce qu’il re-connaît, ce qui porte la signature de l’expérience collective. L’acte cognitif devient alors un geste rituel qui permet de rejoindre la communauté des connoisseurs du site et renforce simultanément sa patrimonialisation. Sa traduction photographique constitue un prolongement parfaitement logique de ce caractère.

Dès les premiers pèlerinages chrétiens, on observe le développement d’un commerce d’objets ayant pour fonction d’attester la présence du voyageur et de pérenniser symboliquement une expérience précieuse. Le site du pèlerinage de Saint Syméon le Stylite en Syrie accueillait déjà au Ve siècle après JC des boutiques de souvenirs, proposant des jetons d’argile ou des fioles de terre cuite ornés d’inscriptions ou de figures, appelées eulogies, qui remplissaient ce rôle [7]Cf. Dominique Pieri, « Saint-Syméon-le-Stylite (Syrie du Nord). Les bâtiments d’accueil et les boutiques à l’entrée du sanctuaire », Comptes rendus de l’Académie des Inscriptions et … Continue reading.

Le schéma de «solennisation réciproque» proposé par Bourdieu pour expliquer la photographie de tourisme montre ici ses limites. La photo ne sert pas qu’à faire des images. Ses usages privés peuvent avoir de nombreuses autres fins – sociales, testimoniales, conversationnelles, amoureuses… – auxquelles l’information visuelle est subordonnée. La photographie touristique est l’un des exemples les plus flagrants des malentendus occasionnés par une approche exclusivement esthétique de l’image. Se sera-t-on assez moqué du car de touristes arrêté devant la tour Eiffel, pour leur permettre de copier à des dizaines d’exemplaires le même point de vue, alors que celui-ci existe déjà en cartes postales?

Le contresens est complet. Outil essentiel de l’appropriation des sites, comme le souligne Catherine Bertho-Lavenir [8] Cf. Catherine Bertho-Lavenir, La Roue et le Stylo. Comment nous sommes devenus touristes, Paris, Odile Jacob, 1999, p. 263., la photographie personnelle a pour principale fonction de constituer un témoignage de présence. Il y a bien, ainsi que le notait Marc Augé, production d’une « preuve » photographique. Encore faut-il traduire correctement ce que cet usage dévoile : le recours à l’enregistrement visuel pour des motifs symboliques.

Comme la relique, la photographie se caractérise par un “contact” fantasmatique avec l’objet qui assure une transmission de ses propriétés essentielles. Même si elle s’inscrit dans une longue tradition des pouvoirs de l’image [9] Cf. Marie-José Mondzain, Image, Icône, Economie. Les sources byzantines de l’imaginaire contemporain, Paris, Le Seuil, 2000., cette compréhension a fait l’objet d’une complète réélaboration à partir de l’invention de la photographie, dont les caractères techniques ont constitué les interprétants. Appuyée sur l’automatisme, la physique et la chimie, cette magie technicienne attribue à la lumière la capacité de garantir un effet de présence qui est la forme moderne du transfert de sacralité, fonction première de la relique.

Plus que du registre visuel, les fonctions symboliques attribuées à la photographie touristique relèvent du modèle du souvenir, qui attribue à un objet quelconque les pouvoirs magiques de la restitution d’un effet de présence, à la condition expresse d’avoir été en rapport indiciel avec le site. Dans le contexte de ses usages touristiques ou muséaux, le recours à la photographie propose l’équivalent d’une relique, d’autant plus précieuse qu’elle aura été réalisée de façon autonome.

Photo-souvenir du rapport à l'œuvre, photographie familiale, British Museum, 2009 (photo: André Gunthert).

De la dimension reliquaire tout particulièrement attachée à la pratique privée de la photographie (car elle dépend d’une prise de vue personnelle) découlent ses usages réflexifs dans le cadre familial. En motivant la production photographique par l’exotisme et l’expérience commune, l’aventure touristique est une forme de création d’histoire privée qui s’accomplit par l’image – rien de moins que ce que l’iconographie des princes avait jadis pour mission de manifester. De façon plus générale, on peut comprendre l’usage familial de la photographie comme un cas particulier d’histoire orale, dont les règles gouvernent la préservation de la mémoire privée. En effet, comme celle des civilisations anciennes, et à de rares exceptions près, l’histoire familiale n’est pas écrite: elle est récitée et répétée à diverses occasions, souvent appuyée sur de petits objets totémiques qui sont autant de supports narratifs.

De cette élaboration vivante, si fragile et si précieuse, liée à la mémoire des individus capables d’en restituer le récit, la photographie est devenue l’outil privilégié, indispensable tout à la fois à l’inscription et au partage de l’histoire privée. Fortement encouragée par les technologies numériques et la généralisation de la conversation sur les réseaux sociaux, cette écriture par l’image s’immisce désormais dans les moindres recoins des outils communicants [10] Cf. André Gunthert, « La révolution de la photographie vient de la conversation« , 14 juillet 2012, Culture Visuelle.. Il est vain de penser que l’on pourra contrecarrer un besoin social si impérieux, dont toute l’histoire de la photographie illustre l’irrésistible essor.

De plus en plus rare, l’interdiction de photographier crée des trous dans ce memento visuel, aussi visibles que la trace manquante d’un site militaire sur une photographie aérienne. Le respect de l’autonomie de l’expérience du visiteur passe par celui de sa liberté à enregistrer autre chose que l’objet exposé. Contrairement à ce que croient certains esthètes solitaires, il est rare que le visiteur souhaite reproduire l’équivalent des cartes postales en vente en librairie. Bien plus souvent, un couple, une famille, un groupe d’amis voudront conserver le souvenir d’une relation à l’œuvre, l’empreinte d’un regard, d’une conversation ou tout simplement d’une présence, dont le contexte fait le prix. Leur retirer cette capacité est un acte dont il faut mesurer la violence, proportionnelle à la rareté de l’occasion perdue.

Voir la photo au musée comme une nuisance est un parfait contresens. Si le musée du Louvre a dû renoncer à l’interdiction en 2005 sous la pression du public, si des mouvements militants se mobilisent à Orsay pour faire entendre la voix des visiteurs, ce n’est pas par goût de la pollution visuelle, mais à l’évidence parce que la photographie représente un véritable enjeu. Seul le peu d’attention accordé à notre vie quotidienne, éternel parent pauvre de la recherche en sciences sociales, explique la regrettable superficialité des approches de la photographie privée.

La photo n’est pas l’ennemie du musée. Comme la majeure partie des pratiques photographiques privées, ce qu’elle manifeste est d’abord de l’amour. Refuser aux visiteurs d’aimer les œuvres à leur manière est un acte d’une grande brutalité, et un insupportable paradoxe au regard de la destination du projet muséal ou des missions du service public. Pour l’apercevoir, il appartient aux acteurs du musée de se rapprocher de ceux qu’ils invitent au spectacle, et de faire eux aussi ce qu’ils attendent du public: un effort d’adaptation culturelle.

Citation: André Gunthert, « La photo-souvenir, monument de l’histoire privée », in Serge Chaumier, Anne Krebs, Mélanie Roustan (dir.), Visiteurs photographes au musée, Paris, La Documentation française, 2013, p. 301-305.

Notes

Notes
1 Pierre Bourdieu (dir.), Un art moyen. Essai sur les usages sociaux de la photographie, Paris, Minuit, 1965.
2 Marc Augé, L’Impossible Voyage. Le tourisme et ses images, Paris, Rivages, 1997, p. 26.
3 Richard Chalfen, Snapshot Versions of Life, Bowling Green, Bowling Green State University Popular Press, 1987, p. 1 (je traduis).
4 Michael Haldrup, Jonas Larsen, Tourism, Performance and the Everyday. Consuming the Orient, Londres, Routledge, 2010.
5 Pierre Bourdieu (dir.), op. cit., p. 60.
6 Marc Boyer, Histoire de l’invention du tourisme, 16e-19e s., La Tour d’Aigues, éd. de l’Aube, 2000.
7 Cf. Dominique Pieri, « Saint-Syméon-le-Stylite (Syrie du Nord). Les bâtiments d’accueil et les boutiques à l’entrée du sanctuaire », Comptes rendus de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, nov.-déc. 2009, p. 1393-1420.
8 Cf. Catherine Bertho-Lavenir, La Roue et le Stylo. Comment nous sommes devenus touristes, Paris, Odile Jacob, 1999, p. 263.
9 Cf. Marie-José Mondzain, Image, Icône, Economie. Les sources byzantines de l’imaginaire contemporain, Paris, Le Seuil, 2000.
10 Cf. André Gunthert, « La révolution de la photographie vient de la conversation« , 14 juillet 2012, Culture Visuelle.

3 réflexions au sujet de « La photo-souvenir, monument de l'histoire privée »

  1. Je trouve l’article vraiment bien et parlant, je ne ferais pas long, juste dire que en tant que photographe, nous nous devons de respecter les autres et donc de réfléchir (vite) avant d’enclencher et c’est aussi ce qui fait le charme de la photo.

  2. Je me fais l’écho du compliment de Reyland Reynald. J’ajoute, sur le plan historique que la photo de musée (vous faites référence à la carte postale) était en fait une belle alternative à une époque où la photo papier côutait cher (jusque dans les annés 90, le guide du routard recommendanit d’acheter les cp et de garder ses films pour le quotidien autochtone). De nos jours, si j’en crois mes « mômes » américains (des étudiants de 18-22 ans très intelligents, mais manquant de connaissances) il ne s’agit pas seulement de chasser l’image (qu’on soit aux fusées du Smitshonian ou devant le wagon du musée de la shoah), mais d’appartenir en quelque sorte à la mémoire de l’histoire. Le comble: ils ne regarderont presque pas la photo, à moins de la télécharger sur un média social, mais c’est devenu plus un rite qu’une acquisition. Si j’en crois des amis conservateurs sur place, mieux vaut laisser faire (c.a.d. « consommer ») tant que ça n’abiime pas trop l’objet. Quand je me souviens des gardes autour de la Joconde qui regardent ailleur tandis que les flashs de touristes crépitent, je me dis qu’au fond, c’est un des aspects inattendus de la démocratisation des connaissances.

  3. Entièrement d’accord. C’est insupportable de voir dans les musées des gardiens qui bondissent dès qu’ils voient un appareil photo levé.
    J’ai observé une très grande disparité de tolérances pas seulement selon les types de musées mais aussi selon les pays que j’ai pu visiter.
    Par exemple au musée d’Athènes bon nombre de gardiens ne sont là que pour faire respecter l’interdit.
    Cette photos prise malgré l’interdiction :
    https://lh4.googleusercontent.com/-tr2DdY_GATg/Tuw8Tq_xqRI/AAAAAAAAFLY/0FjCfOc7Pd4/s912/46.jpg
    La personne qui marche vers moi est une gardienne qui fonce pour me réprimander, elle était postée, avec les deux personnes en haut de l’escalier, pour dénicher tout mouvement d’appareil
    Et puis récemment, au Musée ethnographique de Hanoï j’ai usé d’une liberté totale de photographier.
    Je voulais juste témoigner ici du bien fondé de cette liberté qui pour moi après réflexion suite à la lecture de votre article répondait à au moins deux fonctions :
    1- Garder un souvenir, une trace pour moi et pour l’ensemble du groupe avec qui j’effectuais cette visite, d’un moment vécu en commun, d’une impression, d’une ambiance…
    2- A partir d’une sélection de photos (1/4environ), proposer un regard esthétique qui donne envie à tout un chacun de découvrir ce musée et plus généralement d’en donner une image autre que celle d’un grenier poussiéreux.
    http://jeanpaulachard.com/GALERIE/VietnamMuseeEthno/index.html
    A la fois trace et souvenir d’un moment partagé mais aussi acte militant culturel car tous ces trésors qui subsistent au delà des destructions massives subies par ce peuple ce n’est pas rien.

    Indirectement donc, par mes souvenirs personnels et mon désir de faire partager un moment vécu, je fais une certaine publicité (gratuite) pour ce musée.
    Je ne comprend donc pas que certains directeurs de musées ne comprennent pas tout le bénéfice qu’ils peuvent retirer d’une telle liberté.

Les commentaires sont fermés.