La révolution de la photographie vient de la conversation

Nous vivons un moment étrange. Dans les années 1980, la photo semblait devoir durer éternellement sous l’aspect qu’on lui connaissait. Un film d’anticipation comme Blade Runner projetait dans le futur la permanence d’un état du médium qui paraissait immuable [1] Cf. « Les androïdes rêvent-ils de photo de famille« , L’Atelier des icônes, 4 janvier 2010..

Puis, au début des années 1990, la numérisation de la photographie fut décrite simultanément comme une révolution et comme une catastrophe. Prolongeant l’approche techniciste classique, des prophètes autoproclamés voyaient dans le passage au pixel la ruine de l’indicialité et annonçaient imprudemment la fin de notre confiance en la « vérité des images » [2]Cf. « L’empreinte digitale. Théorie et pratique de la photographie à l’ère numérique« , in Giovanni Careri, Bernhard Rüdiger (dir), Face au réel. Éthique de la forme dans l’art … Continue reading.

Pourtant, pendant une vingtaine d’années, la transition numérique n’a affecté qu’à la marge les pratiques visuelles. Malgré un saut technologique considérable, on a pu constater une remarquable continuité des formes et des usages. Comme une automobile qui aurait troqué un moteur thermique pour un moteur électrique, la photographie a préservé l’essentiel de ses fonctions. Les journaux ont continué à publier des reportages et les parents à prendre en photo leur petit dernier. Il n’y a pas eu de catastrophe du visible, tout au plus quelques exclusions de concours professionnels [3]Cf. « Le détail fait-il la photographie?« , L’Atelier des icônes, 7 mars 2010..

Et puis, tout à coup, à partir de 2010, quelque chose s’est modifié dans les images et les pratiques. La révolution si longtemps annoncée avait-elle fini par se produire? Ce n’était pas un appareil photo, mais un téléphone portable, produit par une marque d’ordinateurs, l’iPhone, accompagné d’une rimbambelle d’applications ludiques, qui semblait avoir changé la donne. Observant la photo à partir des smartphones, journalistes et chercheurs ont alors décrit une invasion du vintage ou une mutation du journalisme [4]Cf. Gil Bartholeyns, « L’iPhonographie: la machine à fabriquer le temps« , Culture Visuelle, 23 avril 2012; Vincent Lavoie, « Guerre et iPhone. Les nouveaux fronts du photojournalisme« , … Continue reading.

Les chiffres semblent leur donner raison. Dans tous les pays développés, les statistiques de vente des mobiles ont largement dépassé celles des appareils photo. En France, en 2011, alors qu’il se vendait 4,6 millions d’appareils photographiques (deux fois plus qu’à la fin des années 1990), les ventes de smartphones atteignaient 12 millions d’unités. Pour la première fois de son histoire, la photographie traditionnelle est devenue une pratique de niche au sein d’un univers plus vaste, structuré par les mobiles et les réseaux sociaux: l’image communicante.

Vintage ou partage?

Pourtant, une observation plus fine pouvait déceler dès le milieu des années 2000, notamment sur Flickr, ancêtre des réseaux sociaux visuels, l’essentiel des traits rendus manifestes par les applis de l’iPhone, Instagram ou Hipstamatic. Parmi les hit-parades automatiques constitués par l’algorithme de l’Interestingness, la plupart des photos plébiscitées par les usagers de Flickr mettent à profit la versatilité de l’image numérique et altèrent les produits de l’enregistrement par diverses manipulations (voir ci-dessous, cliquer pour agrandir).

Le vieillissement apparent de l’image peut être engendré par deux modifications symétriques: la désaturation des couleurs, qui rappelle l’usure physique des tirages, mais aussi la diminution de la température de couleur, qui évoque les teintes chaudes des films Kodak des années 1960. En d’autres termes, à peu près n’importe quelle altération de l’équilibre chromatique standard peut produire une connotation vintage pour un oeil exercé. Il n’est pas certain que cette lecture historique soit la grille la plus pertinente pour interpréter la perception de générations qui n’ont pas connu les procédés sur film.

Il vaut mieux décrire cet aspect comme l’une des nombreuses manipulations possibles, typiques des nouvelles ressources de l’image numérique, qui forcent à regarder la photo comme une image, plutôt que comme une fenêtre ouverte sur la réalité. Le recours aux filtres représente une manière simple et efficace de casser la convention du réalisme photographique. C’est cet effet de distinction, de signature expressive, que recherchent les usagers de Flickr comme d’Instagram.

Mais au-delà de la dimension esthétique, ce qu’ils recherchent est surtout la possibilité offerte par les réseaux sociaux de communiquer et de discuter les images. Dominique Cardon a été le premier à souligner, à propos de Flickr, cette nouvelle fonctionnalité qu’est l’intégration de la photographie dans la conversation [5]Cf. Jean-Samuel Beuscart, Dominique Cardon, Nicolas Pissard et Christophe Prieur, “Pourquoi partager mes photos de vacances avec des inconnus? Les usages de Flickr”, Réseaux, no 154, 2, 2009, p. … Continue reading. La puissance des réseaux sociaux, et tout particulièrement de Facebook, donne à ce constat la valeur d’un paradigme.

Si l’on veut comprendre ce que les réseaux sociaux ont apporté à la photographie, il convient de revenir sur les contraintes de la pratique privée pendant la période argentique. A cette époque, si les photographes professionnels ont accès à divers moyens de valoriser leur production, la pratique amateur se caractérise par ses limites en termes d’exposition. L’album familial est l’un des rares instruments pour partager, auprès d’un cercle restreint, une sélection d’images. La photographie permet de réaliser des images, mais il est beaucoup plus difficile de les montrer. Si Facebook rassemble aujourd’hui la plus importante collection d’images au monde, c’est parce qu’il offre une réponse à cette demande fondamentale.

Plutôt que des conversations à propos des photos, le web a favorisé des conversations avec les photos, écrivent Jean-Samuel Beuscart, Dominique Cardon, Nicolas Pissard et Christophe Prieur [6] Ibid., p. 94.. La principale innovation visuelle de l’ère numérique peut être analysée comme l’extension au grand public de compétences autrefois réservées au système médiatique. L’intégration de l’image dans la conversation, non plus seulement comme référent externe, mais comme composant à part entière, offre des possibilités de commentaire et de recommandation étendues.

Si Facebook est aujourd’hui le réseau social le plus utilisé pour poster des images, c’est d’une part parce qu’il est devenu le principal support de conversation, mais aussi parce que l’image s’est imposée comme un shifter essentiel de la sociabilité [7]Selon une enquête TNS Sofres de juin 2012, 55% des usagers français de Facebook déclarent avoir liké un contenu photo. Cf. Jean-Luc Raymond, « Photos publiées sur les réseaux sociaux: … Continue reading. L’analyse des usages photographiques des smartphones, dont la fonction principale est de donner accès au web, doit impérativement être replacée dans ce contexte. Plutôt que par ses connotations passéistes, le succès que rencontrent des logiciels comme Instagram ou Hipstamatic s’explique par leurs fonctions de partage instantané des images.

Par son adaptation à l’univers communicant, la photographie vient de connaître l’évolution la plus décisive de son histoire. L’ancien paradigme photographique, basé sur la technique, la primauté de la prise de vue, la matérialité et l’objectivité de l’image, a perdu sa position prépondérante. Alors que la photographie formait autrefois un univers autonome, fortement identifié, ce qui la caractérise aujourd’hui est son intégration au sein de systèmes polyvalents, dont elle n’est pas le composant essentiel.

La visibilité de la conversation

Pour les défenseurs de l’ancien paradigme (à commencer par les fabricants, qui n’équipent encore qu’au compte goutte leurs nouveaux modèles de capacités communicantes [8]C’est le principal concurrent d’Apple en matière de smartphones, Samsung, qui a proposé en 2012 les premières « smart cameras » équipées en standard d’un émetteur wifi, la … Continue reading), les smartphones ne sauraient concurrencer la photo créative [9] Cf. Patrick Moll, « Idée fausse n° 7: le smartphone est-il l’avenir de la photo?« , Alpha-numérique, 30 décembre 2011.. Il est indéniable que la photo traditionnelle, solidement appuyée sur des matériels et un savoir éprouvés, a encore de beaux jours devant elle. Mais il faut comprendre que la photo communicante, même si elle est loin de recouvrir l’ensemble des usages visuels, bénéficie de la visibilité et de l’extraordinaire appropriabilité qui sont celles des réseaux sociaux.

Nous le constatons chaque jour un peu plus: pour les jeunes générations, Facebook ou Twitter se sont désormais imposés comme l’équivalent du journal du matin, et la recommandation est devenue le principal filtre de la consommation de l’information. Par un renversement inattendu, c’est donc aujourd’hui la photographie professionnelle qui perd en visibilité, alors que les pratiques privées apparaissent désormais sur le devant de la scène, mêlées à l’offre médiatique  par la conversation. Pour valoriser un contenu, une bonne stratégie pour un professionnel consiste à profiter de l’exposition du réseau, en donnant à ses images une forme conversationnelle.

Les images passées par ce filtre diffèrent sensiblement du canon de la photographie amateur traditionnelle. Tandis que les instituts de sondage continuent à interroger les usagers sur le nombre de photos de vacances, de mariage ou d’enfants réalisées en cours d’année, les murs de Facebook affichent une iconographie plus variée, dont le but est de susciter ou d’alimenter la conversation. Comme les statuts ou les autres marques de l’interaction sur les réseaux sociaux, les images sont choisies pour constituer des embrayeurs de communication. L’humour ou l’autodérision, la capacité à réagir à l’événement ou le partage de moments privilégiés deviennent les nouveaux critères d’une sélection guidée par la sociabilité.

L’activité communicante ne se limite pas à la mise en ligne de photographies autoproduites, mais peut intégrer des matériaux de provenances diverses, comme des archives, des dessins de presse ou des expressions militantes, et s’étend au commentaire, au like, sans oublier le retweet qui reste, comme la retransmission d’autres types de contenu, un geste de participation valorisant et significatif. Sans se confondre avec les autres formes visuelles, la photographie se trouve absorbée dans un univers iconographique plus vaste, qui se conforme lui-même aux règles de l’échange en ligne.

Bien au-delà des frontières de la pratique photographique traditionnelle, la production ou la retransmission de mèmes constitue une extension typique de l’image communicante, utilisée pour réagir à un fait d’actualité, sur un mode proche de celui de la caricature de presse [10] Cf. « La candidature Sarkozy? Un mème qui fait plouf« , L’Atelier des icônes, 17 février 2012; « Hollande/Depardon, le baptême du mème« , L’Atelier des icônes, 5 juin 2012.. La visibilité des réseaux sociaux est alors multipliée par la puissance virale de la satire, dont la prosécogénie se manifeste par les effets de recyclage médiatique, par l’intermédiaire de compte rendus ou de reprises.

Comme l’illustration classique, le mème issu de la conversation vient renforcer la valeur du compte rendu journalistique. Son existence atteste d’un degré de réactivité plus élevé que le banal tweet, et lui confère un caractère documentaire. Appropriatif et viral, il est supposé pouvoir être reproduit sans droits ni autorisation. De surcroît, sa valeur décorative et comique ajoute du piquant à l’article. Compte tenu du haut degré de contrôle du système médiatique, le recyclage apparaît comme une manière particulièrement efficace de faire accéder à une large exposition des avis minoritaires ou critiques. Il témoigne lui aussi de la forte visibilité des contenus conversationnels.

Un nouvel art des masses?

Comme beaucoup de ses contemporains, Walter Benjamin voyait le cinéma comme un « art des masses ». Des cinéastes comme Eisenstein ou Abel Gance avaient prédit un avenir radieux à cette nouvelle forme d’expression populaire.

Le cinéma (et son prolongement, la télévision) n’est pas devenu un « art des masses » au sens strict. Il est devenu un art pour une élite, et un divertissement pour le plus grand nombre. Mais Benjamin nous a aussi expliqué que ces nouvelles formes changent notre manière de percevoir l’art. Qu’une partie de la production cinématographique ait été reconnu comme art est peut-être moins important que le fait que le cinéma, comme la littérature populaire, ont donné un rôle de héros à des personnages issus du peuple, offrant ainsi aux masses une forme d’auto-représentation et de reconnaissance.

De la même façon, il est probablement vain de chercher aujourd’hui sur les réseaux sociaux l’équivalent de chef d’œuvres susceptibles de légitimer ces nouvelles pratiques du point de vue de la culture distinguée. Ce que produisent les réseaux sociaux est avant tout une modification de notre rapport aux industries culturelles. Alors que celles-ci n’ont envisagé leur rapport au public que sous les espèces d’une politique de l’offre, la visibilité de la conversation modifie notre rapport à la proposition industrielle et manifeste une consommation au second degré, une appropriation distancée ou satirique des contenus proposés, toujours soumis à un regard critique.

La participation de l’image à la conversation n’est pas un nouvel art des masses, mais plutôt un des espaces où se jouent la reconfiguration de l’offre culturelle, l’appropriation de l’espace médiatique et la désintermédiation de la communication.

Texte revu à partir de mon intervention au séminaire “Photographie et réseaux sociaux”, Arles, 9-11/07.

Notes

Notes
1 Cf. « Les androïdes rêvent-ils de photo de famille« , L’Atelier des icônes, 4 janvier 2010.
2 Cf. « L’empreinte digitale. Théorie et pratique de la photographie à l’ère numérique« , in Giovanni Careri, Bernhard Rüdiger (dir), Face au réel. Éthique de la forme dans l’art contemporain, Paris, Archibooks, 2008, p. 85-95.
3 Cf. « Le détail fait-il la photographie?« , L’Atelier des icônes, 7 mars 2010.
4 Cf. Gil Bartholeyns, « L’iPhonographie: la machine à fabriquer le temps« , Culture Visuelle, 23 avril 2012; Vincent Lavoie, « Guerre et iPhone. Les nouveaux fronts du photojournalisme« , Etudes photographiques, n° 29, mai 2012, p. 204-228.
5 Cf. Jean-Samuel Beuscart, Dominique Cardon, Nicolas Pissard et Christophe Prieur, “Pourquoi partager mes photos de vacances avec des inconnus? Les usages de Flickr”, Réseaux, no 154, 2, 2009, p. 91-129.
6 Ibid., p. 94.
7 Selon une enquête TNS Sofres de juin 2012, 55% des usagers français de Facebook déclarent avoir liké un contenu photo. Cf. Jean-Luc Raymond, « Photos publiées sur les réseaux sociaux: pratiques des internautes et mobinautes en France« , NetPublic, 13 juillet 2012.
8 C’est le principal concurrent d’Apple en matière de smartphones, Samsung, qui a proposé en 2012 les premières « smart cameras » équipées en standard d’un émetteur wifi, la gamme hybride NX et le compact expert EX2F.
9 Cf. Patrick Moll, « Idée fausse n° 7: le smartphone est-il l’avenir de la photo?« , Alpha-numérique, 30 décembre 2011.
10 Cf. « La candidature Sarkozy? Un mème qui fait plouf« , L’Atelier des icônes, 17 février 2012; « Hollande/Depardon, le baptême du mème« , L’Atelier des icônes, 5 juin 2012.

13 réflexions au sujet de « La révolution de la photographie vient de la conversation »

  1. À propos des photos de Blade Runner, vous êtes peut-être allé un peu vite en affaire… Ce qui fait la dimension indémodable de ce film, et le génie de Ridley Scott, c’est d’intégrer ces anachronismes avec lesquels nous cohabitons au quotidien. Par exemple, nous ne sommes pas choqués de voir dans nos villes un immeuble haussmannien à côté d’un bâtiment contemporain, et nous utilisons des stylos à bille des années 50 aussi bien que des écrans tactiles. Blade Runner exploite cette dimension à plein : dans le futur, il y aura toujours des choses vieilles et anciennes.

    Les photos de Blade Runner sont, elles-aussi, d’époques différentes. Certaines datent du début du XXe siècle et sont argentiques. D’autres, contemporaines à l’action du film, ont été prises par les Réplicants eux-mêmes. Ce sont des photos en 3D sur support plat (rien ne prouve que c’est du papier). C’est pour cela que Decker (joué par Harrison Ford) peut les explorer avec sa machine, et découvrir le visage de la danseuse alanguie sur son lit.

    Il se pourrait donc que les photos de Blade Runner soient encore en avance sur notre temps.

  2. Ping : Parergon
  3. Après relecture de cet article essentiel sur l’image communicante
    Une réflexion personnelle à haute voix :

    Concernant l’image communicante ou conversationnelle, qui est née des possibilités technologiques offertes par l’avènement du numérique (mais cet avènement dans la photo répond forcément à une nécessité, à un désir) je distinguerais, à partir d’une observation ad hoc à parfaire, deux temps, celui du flux (réseaux sociaux, messageries des mobiles, sites de partage…) et celui du bassin (archivage automatique dans les réseaux sociaux et les bibliothèques ou albums privés) où « tombe » l’image après avoir été envoyée dans le circuit ou directement si elle n’est pas envoyée… Chacun de ces temps correspond à chacun des types d’appareils photographiques dont ton dernier billet totémique évoque un point de fusion technologique… au Flux correspond les pratiques photographiques du smartphone et au Bassin celles de l’appareil numérique qu’on « vide » dans Aperture ou Iphoto ou autres albums, à la fin d’une session de prises de vue…
    Nous assistons peut-être à un changement de paradigme sur cet axe là, l’image n’est plus, d’abord, pour le sujet imageant, rétention mais dispersion, elle n’est plus conservation mais… conversation … Avec les possibilités de partage, on ne photographie pas pour garder mais pour s’exprimer… (comme des artistes quoi !)

    Personnellement, je formulerais l’hypothèse encore vacillante que le sentiment d’avoir accès à un archivage illimité et automatique des informations et actes du passé, (ses appels, ses sms, ses mails, ses photos, ses sauvegardes, ses conexions…) dans l’exercice quotidien de la vie en ligne où tout est conservé, a priori, et le sentiment de pouvoir retrouver ce qu’on cherche dans cette objectivation perpétuelle du net, nous détourne progressivement du besoin ou du souci d’enregistrer dûment les instants vécus (c’est automatique) au profit de leur partage immédiat… D’où le développement de ce qui est en lien avec l’expression subjective ; filtres, cadres… et le refoulement ou l’oubli de ce qui est en lien avec l’archivage comme tu le remarques… Le côté Vintage des filtres, le lien au passé d’une période où la photographie était archivage du « pris sur le vif », serait alors un retour du refoulé, n’ayant d’autre but que de ramener un peu de passé dans la photographie devenue pur propos, pure manifestation de soi dans un échange… repliant la part créative à la dimension énonciative du cadrage et de la composition, de l’énonciation visuelle du propos. L’image partagée est une image qui nomme… et se constitue aussi comme l’avènement de son propre corps dans un espace public… (à compléter…)

  4. Merci pour cette réflexion bienvenue!

    J’ai déjà exprimé mon (relatif) scepticisme face à la surévaluation de la dimension « vintage » des apps. Il me paraît plus intéressant de réfléchir sur un phénomène très global de réévaluation du décoratif dans la pratique privée, qui fait se rejoindre aussi bien l’aspect « arts & crafts » des loisirs créatifs que la nouvelle versatilité de l’image. Screensavers, Instagram ou covers de Facebook sont ici différents aspects d’un même goût populaire (qui énerve visiblement les esthètes).

    Je serais de même assez réticent à déduire de l’usage des apps une perception systématiquement positive du passé, tandis que tout ce qui ressort de l’immédiat serait nécessairement moins valorisé. Je crois au contraire que les outils communicants « augmentent » notre perception du présent en permettant de le partager, et que c’est dans le partage que se situe notre espoir d’une mémoire sociale de l’événement. C’est du reste très exactement ce que réalisent les réseaux sociaux: un événement est archivé à partir du moment où il est partagé. Autrement dit, il n’y a pas opposition entre archive et partage, mais au contraire condition du premier par le second (dans ce schéma, il convient de ne pas oublier le futur, car la mise en œuvre du partage est effectuée dans l’attente d’une réponse voire d’une série d’interactions). L’opposition, si tant est qu’il y en ait une, serait plutôt à chercher à mon avis entre archive individuelle inactive – mémoire morte – et socialisation de l’information – mémoire vive…

  5. Par rapport à la réflexion d’Olivier sur une période où la photographie était archivage du “pris sur le vif”, je me demande si la facilité de la prise de vue et surtout la multiplication des prises de vue ne suscite pas l’envie de personnaliser le réel, d’ajouter une touche perso sur un réel perçu comme nécessairement trop banal pour se suffire à lui-même.

  6. L’idée peut paraître séduisante, mais elle n’est pas facile à vérifier. Les photos Instagram sont par définition des photos partagées, il faut donc les interroger en fonction de cet usage social, qui en détermine les caractères (touche perso, etc.). Les photos « qu’on ne montre pas » sont en attente d’un usage, elles ne sont donc pas strictement comparables à celles qui ont fait l’objet d’une exposition ou d’une sélection. Je ne sais pas quel est le lien entre les deux sous-ensembles, ou s’il y en a un.

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