Le paradoxe de Moebius

Décès du dessinateur Jean Giraud, alias Moebius. J’ouvre la page de sa notice sur Wikipedia (voir ci-dessous, à gauche). Puis j’entre la requête « Moebius » sur Google Images (voir ci-dessous, à droite). Cherchez l’erreur (cliquer pour agrandir).


Oui, notre société a un sacré problème avec les images. Et oui, internet a tout changé. J’admire la vaine rectitude de Wikipedia, qui s’efforce de produire une information respectueuse de l’ancien système de protection des industries culturelles. Mais cette pensée où l’image n’est pas une information est désormais caduque. Merci au web de nous montrer quand même celles de Jean Giraud.

Spielberg a bien créé un nouveau Tintin

Au hasard d’un tour en ville, je tombe sur la nouvelle gamme de figurines  accompagnant la sortie du Secret de la Licorne. Surprise! Les jouets ne copient pas les personnages de la BD, mais reproduisent ceux du film de Spielberg, qui créé donc une nouvelle référence – une première dans l’univers hergéen!

A noter, sur le plan théorique, que c’est bien l’image (la reproduction sous forme de figurine) qui fournit la preuve de la création d’un nouveau modèle: ce n’est que parce que celui-ci est à son tour copié qu’il peut être perçu comme une nouvelle référence, et non comme une version dérivée de la bande dessinée originale.

Tintin pas encore général

Une note rapide. A 10 jours de la projection du Tintin de Spielberg, je suis plutôt surpris de la modération de la pression marketing.

En conservant à ma veille sur cet objet une dimension généraliste, j’ai essayé d’éviter l’écueil d’une spécialisation qui aurait fait loupe, pour demeurer autant que possible sur le terrain d’une réception grand public. C’est ainsi que je n’ai appris qu’hier (via le très généraliste Google News) que la première projection de presse avait eu lieu le mercredi 12 octobre. Les premières critiques semblent enthousiastes (comme pour Cannes, je ressens une gêne face au décalage d’un spectateur professionnel qui a déjà eu accès à un contenu qui m’est pour l’instant interdit).

Pour le reste, une couverture du Figaro Magazine par ci, une pile de coffrets à la librairie du MK2 par là (voir ci-dessus), des affiches bien sûr, mais l’impression reste celle d’une empreinte globalement plus modeste que ce à quoi je m’attendais, d’une présence moins insistante que, mettons, celle du dernier Harry Potter.

En même temps, je me demande quelle balance me permet de formuler un tel jugement. A l’évidence, je réagis de manière très globale en collectionnant un ensemble de signaux éparpillés. L’empreinte de Tintin reste confinée pour l’essentiel au monde culturel et se manifeste par des produits d’édition. La lecture du billet de Rémy Besson sur la promotion de The Artist me fait prendre conscience que je n’ai pas encore aperçu de présentation télévisée du futur film. Tintin est une information culturelle, pas encore une information générale. C’est visiblement cette caractérisation, et tout particulièrement le passage au journal télévisé du soir, qui fait effet de seuil et envoie le signal décisif.

A signaler le livre de Philippe Lombard, Tintin, Hergé et le cinéma (Democratic books, 2011), synthèse bien informée quoiqu’un peu pédestre. La conversation de la Grande Table du vendredi 28 octobre sera consacrée à la sortie du Secret de la Licorne.

Tu quoque fili

Quel souk ce blog! Après avoir traîtreusement moqué un des meilleurs représentants de la culture française sous le prétexte d’introduire la notion de connivème, voilà-t-il pas que je profite de la sortie de la nouvelle bande-annonce de The Secret of the Unicorn pour répondre à mon ami Olivier Beuvelet et poursuivre la discussion sur ladite notion.

Tintin, again. Et un souvenir précis, vieux de quelques mois, que je m’étais promis de noter et que la question d’Olivier réveille. Il n’y a pas de code, me répond-il à propos de ma description du « bien entendu » de Jeanneney, tout ça c’est de l’arnaque, pure construction rhétorique de la distinction. Et en effet, ça y ressemble beaucoup.

Mais voilà, si le « bien entendu » arlésien a résonné à mon oreille, c’est qu’il faisait écho à un précédent. Un soir, mon fils, 13 ans, déjà au lit, referme sa BD et fait mine de chercher un autre volume. Saisissant l’occasion, je sors du rayonnage L’Oreille cassée (Hergé, 1937/1943) et le lui glisse à la page du frontispice (voir ci-dessous, reconstitution), avec cette recommandation énigmatique: «C’est le fétiche arumbaya».

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