Iron Man, homo faber

Mes fils m’ont prêté hier le DVD Iron Man 2. Fascinante introduction de Vanko en forgeron. IM organise la confrontation de deux technologies fondamentales et opposées. Celle de la machine, à l’ancienne, qui se voit et se martèle, celle de l’homme fort: la technologie de l’armure, qui a besoin d’énergie (un cœur), et qui se rattache par l’imagerie à la bagnole (montage/démontage par les robots assembleurs). Celle de l’ordinateur, moderniste, fluide et évanescente, qui se résume à de l’imagerie 3D manipulable, technologie assez évidemment féminine (même si mise en voix par un masculin « Jarvis »), en son service essentiellement auxiliaire. L’homme de fer vs l’image servante, la fusée vs l’ordinateur, l’Audi vs l’iPhone, autrefois vs demain. Je vais me faire écharper par les Ironophiles si je parle d’une ode zemmourienne à la nostalgie de la bagnole (et à la puissance perdue du Stars and Stripes). Pourtant, comme le montre le papa de Tony Stark, le mot « technologie » ne peut se prononcer qu’au passé. L’enjeu du contemporain, c’est sa disparition.

6 réflexions au sujet de « Iron Man, homo faber »

  1. ah il faut donc voir « Iron Man 1 », car l’homme fabriquant son armure, c’est la génèse de Iron Man lorsqu’il est pris en otage par des hommes dans le désert. Je pense que le 2 reproduit l’image du 1. En répétant exactement la même séquence. Iron Man 1 faisait référence au complexe militaro-industriel, aux terrorismes du moyen-orient, etc. Iron Man 2 fait référence à l’ex-URSS et ses scientifiques qui s’ennuient et veulent conquérir le monde avec les moyens du bord. Cough Cough. Clichés à fond 😉

    Le film ne montre pas la disparition de la technologie, mais celle de la mécanique lourde, ce qui est légèrement différent. Les gens ne jouent plus au mécano mais avec arduino. La technologie est toujours présente, elle occupe un domaine différent 🙂

    Est-ce que par cette lecture, vous révélez votre age ? 😉

  2. @Karl: You’re right, but… L’idée, c’est de se dire que l’ordinateur n’a pas été assimilé (dans l’imaginaire) à LA technologie – et que celle-ci reste (dans l’imaginaire) associée à la pensée de la mécanique newtonienne. L’ordinateur (qui ne compute rien, mais projette de jolies images 😉 serait une non-machine – une voix pensante, comme HAL dans 2001… C’est en tout cas l’opposition très marquée que propose IM1+2. J’aime beaucoup le choix de faire parler Howard, le père (par l’intermédiaire du cinéma) qui est le seul à prononcer (à 2 reprises), le mot de « technologie », définitivement ringardisé par cette mise en scène. Idem dans Avatar, ou les blindés lourds subissent la défaite de combattants nus et ailés… Hollywood, qui a donné une très large place à la représentation de la puissance mécanique depuis plus d’un demi-siècle, commence à réviser doucement ses schémas – global warming oblige… 😉

  3. « l’ordinateur n’a pas été assimilé (dans l’imaginaire) à LA technologie »

    ah ? L’ordinateur est tout à fait un outil technologique dans mon imaginaire. Et je vis avec depuis longtemps. Que l’ordinateur passe de produits où je crée à un produit (programmation) où je consomme (ipad) est dû à son élargissement dans la population.

    Le rêve de le 2001 réalisé en *1968* montre le rêve de l’intelligence artificielle et d’humaniser la machine. Ce rêve existe depuis le début de la mécanique (voir The Mechanical Turk en 1770).

    Les blindés lourds de Avatar sont défaits par des êtres ailées en 2009 de la même façon que les blindés lourds de Star Wars par les Ewoks, habitants de la forêt en 1983 et pourtant le global warming ne faisait pas la une de la presse encore.

    L’hologramme dans Star Wars est déjà présent. Metropolis en 1927 déjà humanise la technologie.

    Je ne crois pas du tout à la technologie qui disparaît mais bien plus à la mise en contexte de ce qui se passe dans les labos de recherche et leur contextualisation romancée dans le cinéma.
    http://www.la-grange.net/2010/01/18/ui-future

  4. Merci pour le lien! Le carnet web a l’air alléchant, je vais voir ça de plus près…

    On n’est pas d’accord, ce n’est pas un drame – ça fait depuis que la littérature existe qu’il y a des querelles d’interprétation 😉 Un film n’est pas une forme objective. En discuter demande donc une certaine tolérance…

    Bien sûr que l’ordinateur est une technologie. Mais je ne crois pas que celle-ci ait jamais eu le même statut imaginaire que l’autre, celle qui mouline et pousse et crache le feu. Et je crois qu’IM, qui est un film sur la technologie et sa représentation, joue de façon délibérée et plutôt maline de ses différentes dimensions (ce que n’a jamais fait Star Wars).

    Humaniser la machine est un rêve d’ingénieur – mais pas forcément un rêve de cinéaste. Dans Metropolis comme dans Matrix, la machine fait peur, elle représente l’autre de l’humain, la menace par excellence. IM illustre un autre volet, celui de la machine qui aime l’homme. Mais la machine qui aime l’homme, au cinéma, il n’y en a pas cinquante: c’est la bagnole (ou la fusée, qui est une espèce de bagnole à réaction).

    Je crois que la dimension du contexte participe profondément de l’interprétation d’un film. Or, nous avons changé de contexte. C’est parce que le global warming ne faisait pas encore les unes au moment de Star Wars que les Ewoks n’ont pas la même signification que les Na’vis. N’oubliez pas qu’à la fin d’Avatar, c’est bien l’espèce humaine qui est vaincue – et l’espèce alien qui remporte la victoire… Une leçon inédite qui illustre le retournement dû à l’imposition du modèle écologique. Pour la première fois, le motif technologique apparaît comme appartenant au passé. Ce qui est bien un paradoxe pour un paradigme qui a représenté le progrès. Même un film aussi habité par la technologie qu’IM est obligé d’en tenir compte.

    Une dernière remarque (tout cela jeté en passant alors qu’il faudrait des livres entiers pour argumenter sur ces différents points 😉 Si l’humanisation de la machine a finalement fonctionné (avec un objet comme, mettons, l’iPhone) c’est à la condition que l’outil se fasse oublier comme machine…

  5. Même si les serveurs, les câbles, l’électricité, les ordinateurs, sont bien matériels (avec un poids, une consommation, une température,…), nous intégrons leur caractère « immatériel », virtuel, fluide, et tout est fait pour que cette impression soit de plus en plus forte, y compris par des biais tordus, comme les interfaces kitsch des apps iPhone qui imitent le bois ou que sais-je. Donc évidemment que les « nouvelles technologies » (quoiqu’anciennes) sont des technologies, mais nous les utilisons sur un autre plan, plus symbolique que matériel, plus cérébral que mécanique. Et parfois, quand nous venons de faire un pâté avec un stylo, nous pensons « pomme+Z ! », preuve que notre environnement « virtuel » nous contamine, mais c’est une autre histoire.

  6. à part ça ce qui m’a marqué dans Iron Man 2 c’est qu’il contient de grands thèmes géopolitiques mais ne les assume pas complètement, et je pense que selon ce qu’on pense de l’action américaine dans le monde, on ne verra pas le film de la même façon, et qu’il pourra séduire autant le redneck de base que le militant alter-mondialiste (je n’ai constaté ça que sur un spécimen du second type, je ne connais pas d’occurrence du premier)

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