La 3D chez soi, on attendra

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Commentant il y a six mois la vogue marketing de la 3D, j’avançais que ces dispositifs ne tarderaient pas à être disponibles dans nos salons. J’ai essayé hier, à la Fnac, mon premier téléviseur 3D. Ces modèles équipés du système shutter glasses utilisent le même principe (lunettes à obturation alternée à cristaux liquides) que la stéréo numérique dont Avatar a assuré la promotion. Ils ont été lancés en France à l’occasion de la coupe du monde de football, TF1 devant diffuser 5 matchs en 3D via le bouquet satellite CanalSat.

Pas facile. En l’absence de vendeur, devant un Samsung qui montre en boucle des extraits de Monstres vs Aliens, je chausse les lunettes disponibles sur le présentoir, sans arriver à modifier la vision des lignes doubles qui m’indiquent que ma perception reste strictement 2D. J’essaie en me rapprochant puis en m’éloignant de l’écran. « Ca ne marche pas », me lance un môme rigolard.

Approfondissant ce mystère, je découvre que le modèle Panasonic qui lui tourne le dos propose lui aussi deux paires de lunettes, d’un modèle légèrement différent. Comme l’écran est noir, je m’empare de la prothèse pour l’essayer à nouveau devant le Samsung – sans succès. A ce stade, ces bidules m’évoquent mes trois zapettes et mon casque sans fil, qui incarnent toute la difficulté de la gestion de l’image domestique. Rien de plus rageant qu’un écran muet lorsqu’on a égaré l’indispensable télécommande, ou qu’on se retrouve à devoir changer les piles, comme par un fait exprès le dimanche soir. Quant au casque, cela fait longtemps que j’en ai abandonné l’usage, étant donné la discipline de fer qu’il exige, imposant d’avoir prévu à l’avance la séance et de s’être occupé de charger la batterie dans les temps.

Mais à force de tourner autour des présentoirs, l’écran du Panasonic s’éclaire à son tour. Je tripote frénétiquement mes lunettes, et réussis finalement à les mettre en marche. L’apparition a lieu. Sur le panneau de présentation qui figure le miracle de la 3D à l’aide d’un dinosaure, d’une voiture de sport et d’un footballeur en action, le dessinateur a voulu donner l’impression que les images surgissent hors de l’écran. Le ressenti est plutôt inverse: j’ai l’impression que l’écran se creuse, devient une grosse boîte qui enserre bizarrement le spectacle de plans superposés qui rappellent la vision stéréoscopique des Viewmaster de mon enfance, et dont les bords s’interrompent dans un néant improbable.

Plusieurs extraits se succèdent, avec des qualités de réalisation diverses. La meilleure séquence 3D est sans conteste la vision édénique d’un paysage sous-marin peuplé de poissons aux couleurs vives, qui se transforme entre les parois du Panasonic en une sorte d’assez chouette aquarium. Vision pas désagréable – mais pas moitié aussi impressionnante que la découverte de mon premier grand écran plasma, dont j’ai gardé le souvenir précis (non moins que Carl Havelange, qui nous en donnait l’an dernier une description quelque peu hallucinée).

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Arrive une jeune femme accompagnée de ses enfants, bientôt rejointe par sa mère. Elle aussi échoue devant le Samsung (les piles des lunettes sont probablement vides), puis se rend compte que les lunettes Panasonic ne fonctionnent pas avec le premier téléviseur. Pendant que les deux mômes s’attribuent les deux seules paires disponibles et en état de marche pour contempler un spectacle de flamenco traditionnel, puis des handballeuses à la plage, le conciliabule des aînées ne laisse aucun doute sur leur déception. « C’est pas encore au point, c’est trop tôt » décrète la jeune grand-mère, qui en a vu d’autres.

Je ne suis pas beaucoup plus convaincu. Outre la gêne d’avoir à porter des lunettes, peu compatible avec la pratique courante du visionnage télé (imagine-t-on la famille à table regardant le JT de TF1 munie de ses prothèses?), le prix (150 euros la paire supplémentaire, deux seulement étant livrées avec le téléviseur) et la non-compatibilité des modèles est dissuasive. Impossible dans ces conditions de regarder un match de foot à plusieurs: même pour un rendez-vous préparé à l’avance, il paraît peu probable qu’un seul foyer puisse disposer d’un nombre suffisant de lunettes, et si les invités ne peuvent pas apporter les leurs, il restera beaucoup plus agréable de partager l’image plane, plus conviviale. La 3D s’installera dans les foyers avec les jeux vidéos plutôt qu’avec les programmes télé.

15 réflexions au sujet de « La 3D chez soi, on attendra »

  1. Cela me fait penser dans les dernières années de la télévision par signal analogique avec une recherche de profondeur, non pas de l’image, mais du son. Certains programmes, notamment les films puis les matchs de foot, bénéficiaient d’un son son Dolby Surround (un logo s’affichant au départ, en bas à gauche de l’écran) pour tout citoyen lambda ayant réussit à brancher son téléviseur sur un ampli et des enceintes encerclant son salon.
    L’idée que la 3D soit pour tout les programmes télévisuels est absurde, l’argent à dépenser pour le matériel de tournage crevant tous les plafonds en temps de crise économique.
    Concernant l’écran Panasonic (là c’est le geek qui parle), sa publicité commençait avec le Bluray du film Avatar. Un Bluray qui n’est déjà pas en 3D. L’écran propose un taux de rafraichissement de 600Hz en Full HD, alors que les lecteurs Bluray actuels conseillent le 24Hz (le minimum des 24 images/seconde du cinéma), car les 100Hz en 1080p présentent de nombreux ralentissements tant la quantité d’informations transmise est importante. Depuis je me méfie de Panasonic, et d’Avatar…

  2. Effectivement, les jeux vidéo vont faciliter l’entrée au foyer du 3D, comme ils ont aidé le passage de l’ordinateur au domicile. Peut-être les images de guerre vont contribuer aussi surtout pour booster l’enregistrement en 3D qui reste problématique.

  3. Comme pour la plupart des appareils technologiques c’est souvent à partir de la deuxième génération que ça commence vraiment à devenir intéressant… Pour les jeux-vidéo le gain est surement plus visible que pour les programmes télévisés. Cependant, comment les fabricants comptent s’adresser aux casuals gamers? Le joueur assidu y verra peut être une plus-value de son expérience sensible, mais les joueurs occasionnels sont souvent ceux qui profitent d’une dynamique de groupe : on se réuni par exemple avec une wii pour faire des mini-jeux, des parties en équipe, mais il y a souvent des observateurs… faudra-t ils qu’ils ramènent leur lunettes? C’est un peu le même problème que la famille devant le journal TV, et vise donc une niche de consommateur plutôt que le grand public. Ce problème est en revanche contourné par la 3DS de Nintendo qui ne se destine qu’à un joueur, mais peut être prêté, et surtout, ne demande pas de lunette pour être utilisé…

  4.  » il restera beaucoup plus agréable de partager l’image plane. »

    Tout à fait d’accord sur la question du partage difficile et du déficit du « voir ensemble » qui caractérise l’utilisation des lunettes 3D qui coûtent cher et nous isolent les uns des autres… ça rappelle le kinétoscope d’Edison.
    A Disneyland, récemment, j’ai vu un brontosaure de la 3D , Captain EO, avec MJ… au début, un petit morceau de météorite arrive devant nos yeux, tranquillement et semble venir vers chacun des spectateurs. Certains tendaient le bras pour l’attraper ou le toucher à trente mètres d’écart, et d’autres disaient :  » il vient sur moi ! »… Chacun avait la même illusion d’être la cible de la trajectoire de l’objet, derrière ses lunettes, l’espace en trois D n’est pas commun ni partagé… Je ne m’en étais pas rendu compte devant Avatar mais j’ai l’impression que la 3D abolit ce principe de partage des émotions et des images, cette liberté de circulation du regard qui avait en bonne partie valu au cinématographe Lumière de détrôner les kinetoscopes, ces boîtes hermétiques au point de vue unique…
    Or la télé c’est « voir ensemble »… Alors en dehors de ce qui se regarde seul pour des effets optiques ou de vision sidérante (jeux, action…), je ne vois pas non plus la 3D conquérir les salons…

  5. Dans ma fnac, il y a un écran Samsung qui diffuse des images en 3D mais ce qu’on voit est très laid, dans lunettes, et les lunettes, ils se les sont fait voler ! Autant de paires de lunettes que de spectateurs : j’ai de gros doutes quand à l’avenir immédiat de cette technologie dans les foyers, hors malentendus.

  6. « les lecteurs Bluray actuels conseillent le 24Hz (le minimum des 24 images/seconde du cinéma), car les 100Hz en 1080p présentent de nombreux ralentissements tant la quantité d’informations transmise est importante. »
    Rien à voir avec la 3D : en 2D aussi le 24Hz existe en sortie des lecteurs Blu-Ray, et ça correspond à ce qui est filmé sur pellicule (24 images par seconde depuis que le cinéma existe); les TV diffusent en France à 50Hz et de toutes façons il faudra alors interpoler des nouvelles images pour arriver à cela mais l’avantage en 24Hz en entrées, c’est que la TV travaille directement avec la vraie cadence d’origine avant d’appliquer ses propres traitements.

  7. —Réponse à l’article—

    Il faut informer le public correctement et tordre le cou aux fausses idées :
    -la 3D ne sort pas de l’écran (ou ça doit être exceptionnel car c’est très fatiguant pour la tête) et est plus utilisée en profondeur
    -curieusement j’ai pas vu ici de commentaire « moi j’attends les TV sans lunettes »; c’est bien, parce que quand on se renseigne sur le principe, ce n’est pas demain (pas avant 10 ans) que ça va arriver (et les technologies de type 3DS ne sont absolument pas applicables aux grand écrans).
    -les lunettes des différents constructeurs ne sont pas compatibles entre elles; vous ne trouvez pas ça normal? CE N’EST pas normal : ce n’est qu’une question d’absence d’entente commune et de marketing (exemple, les lunettes Panasonic portées à l’envers fonctionnent avec un écran Samsung et vice versa), sauf concernant des questions de modification de la colorimétrie différente selon les modèles de lunettes et corrigées en fonction par les écrans de chaque marque, mais sinon la technologie active est identique pour tous.

  8. @Christophe : il existe des télés 3D sans lunettes. Elles ont trois défauts. Le premier est qu’elles réclament des images réalisées avec un grand nombre de caméras (entre 7 et 16 selon les procédés, ce qui n’est viable que pour les images de synthèse où la multiplication des vues ne pose pas de problème. Le second défaut, c’est que les constructeurs ne s’entendent sur aucun standard. Le troisième défaut c’est que c’est une image assez pénible à regarder.

  9. @Christophe: On est d’accord: le pb de la 3D, c’est les lunettes. Ca fait depuis le XIXe siècle que c’est comme ça: la stéréo, qui a connu plusieurs dizaines de procédés, n’a jamais réussi à s’imposer à cause du système de visionnage. Depuis 1870, les constructeurs auraient peut-être pu comprendre ça, non?

  10. @André Gunthert : Mais non justement on n’est pas d’accord 😉
    La 3D, c’est avec lunettes ou rien! Si ça n’a pas marché jusque là, c’est pour 2 raisons simultanées :
    -le manque de technologie (qui a fait choisir l’anaglyphe jusque là, par rapport à des lunettes à obturation, ou un système de polarisation, ou encore moins répandu à filtre interférentiel)
    -l’absence de support collectif de la part des constructeurs.
    Les 2 points sont désormais réunis depuis cette année :
    -les technologies avec lunettes permettent d’offrir une vision constante dans le temps et l’espace pour le spectateur (avec des vraies couleurs en comparaison à l’anaglyphe)
    -tout le monde s’y met d’un coup : les constructeurs, les studios de cinéma.

    C’est réellement parti cette fois c’est une évidence quand on constate le résultat (à part le prix qui peut freiner très provisoirement), tous les échos de ceux qui testent en magasin sont positifs (hors 5% de la population qui ont des problèmes de vue qui les empêchent de voir en 3D)

  11. @Christophe: Je reformule. Si 3D = lunettes, je t’annonce que ça ne passera pas 😉 La convivialité est un facteur plus important dans la consommation de l’image que son relief ou toute autre amélioration de sa qualité. Rendez-vous dans trois ans et prépare la bouteille!

  12. Wait & See
    Une fois des chaînes TV 3D accessibles à tous et des films 3D qui commencent à arriver en Blu-Ray (regarde toutes les annonces des gros films et ajoute 6 mois à leur sortie ciné) + tous les nouveaux acheteurs de TV qui repartiront avec l’option 3D de plus en plus couramment (dans 2-3 ans, plus de raison de ne pas inclure cette option qui ne coûte rien de plus en composant), je te ferais payer ton coup (t’as du bol, je bois pas d’alcool) 😉

  13. Si certaines utopies transhumanistes se réalisent et que l’unité familiale de base devient une personne seule, quasi immortelle et donc privée du droit de fonder une famille, la 3D avec lunettes peut avoir du succès à la maison. Samsung & co devraient faire des recherches dans le registre de l’immortalité humaine s’ils veulent parvenir à imposer leurs technologies.

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