Dominique à confesse

J’avais déjà eu l’occasion de noter l’unanimisme remarquable de la presse dans les différentes étapes du traitement de l’affaire DSK. Encore une fois, après l’entretien sur TF1 diffusé hier soir, les quotidiens réagissent avec un bel ensemble dans leurs choix visuels, au diapason d’une qualification qui tourne autour de la confession, de la contrition, de l’aveu et de la faute morale.

Le sourire, qui manifestait, dans les stations précédentes, la reprise de l’avantage, a disparu, au profit d’un air sérieux (on n’ose dire pénétré), dont les variantes légères sont d’autant plus perceptibles (comme celle du Midi Libre, qui choisit de montrer un personnage plus combatif).

Au total, l’opération de com est parfaitement réussie: on est passé mine de rien du registre judiciaire au registre moral, selon un scénario largement éprouvé par le personnel politique (qui ne reconnaît que les fautes qui n’entraînent aucune suite pénale).

11 réflexions au sujet de « Dominique à confesse »

  1. Nous, devant la télé, on a beaucoup ri. Vraiment ! Surréaliste, lisse, lisse, répété sans doute des dizaines de fois. Texte connu par coeur mais mauvais acteur.
    Et l’impression qu’il se faisait passer pour victime. Après avoir reconnu une faute, il n’a fait que « victime » avec un petit accessoire magique qu’il invoquait comme preuve sur le plateau, le rapport du procureur, brandi quelques fois.

    André, vous avez un avis sur les trois ou quatre plans de coupe qui montraient ses mains ? Je ne sais pas quoi en faire de ceux-là.

    Bien à vous.

  2. Les plans de coupe sur les mains me paraissent un peu ratés. Mais il y avait aussi les silences, très théâtraux, les plus longs que j’ai jamais vu dans un JT, qui me semblent la meilleure preuve de la préparation et de la connivence…

  3. « Au total, l’opération de com est parfaitement réussie: on est passé mine de rien du registre judiciaire au registre moral, selon un scénario largement éprouvé par le personnel politique (qui ne reconnaît que les fautes qui n’entraînent aucune suite pénale). »
    J’ai comme un doute, attendons la suite.
    Une trop grande maîtrise de la com, ou plus exactement une maîtrise trop visible lorsque l’on va à confesse, me semble susceptible de susciter la défiance chez le moins paranoïaque des confesseurs.
    Je n’ai pas encore compris qu’elle était la faute qui avait été reconnue vis à vis des français. S’il n’y a pas eu de violence et s’il y avait consentement, où est la faute à confesser? (La famille, c’est une autre affaire qui ne nous regarde pas.)

  4. Trop visible, la com strauss-kahnienne n’est visiblement pas passée auprès d’une bonne partie du public. Mais les Unes de ce matin attestent de son efficacité pour la presse, qui a bien relayé le message du glissement vers le domaine moral.

  5. Tout a été réglé comme du papier à musique, et, de ce point de vue-là, c’était entièrement réussi.

    Même Claire Chazal était presque crédible dans son rôle d’intervieweuse sans complaisance (mais pas avec des questions trop approfondies).

    La « faute morale » (et jamais physique) fut ainsi placée dans l’empyrée de l’inaccessible sur le plan judiciaire, et même la plainte « au civil » n’aurait ainsi plus lieu d’être.

    DSK, auquel il faut cependant reconnaître une présence forte à l’écran, et un « poids » de présidentiable déchu, est donc réapparu, grâce à un « training » parfaitement intégré et maîtrisé (à part les mains l’une sur l’autre qui m’ont fait penser une seconde à François Mitterrand), comme revenu sain et sauf de son épisode « atlantique », avec juste un zeste de contrition, un mini-désir d’action et une soif de réflexion.

    Mon fils, à un moment (voir la « une » de « La Nouvelle République ») a dit : « Mais il est parfait, on dirait De Niro ! »

    TF1 ne peut donc que se féliciter du casting et du nombre d’entrées (13.448.000 et 47% de part de marché) réalisé pour la soirée.

    Cela nous manquait dans la catégorie « films politiques français », d’ordinaire si timides.

  6. Je cours le risque d’être hors-sujet : j’ai délibérément choisi, et sans la moindre hésitation, de regarder la finale de basket entre la France et l’Espagne sur France 4. Je n’en admire que davantage ceux qui poussent la conscience professionnelle jusqu’à « consommer » (dirait Jean-No) le JT de TF1 un dimanche soir pour être sur la brèche dès le lendemain matin. Total respect !

  7. @Sylvain: Chacun fait, fait fait… Ce n’est pas la première fois que tu moques mes choix télévisés, mais je dois t’avouer que depuis le Lhivic, il est de plus en plus rare que je regarde la télé pour me détendre… 😉

    L’affaire DSK est un vrai feuilleton médiatique, certes assez bas de gamme sur le plan du storytelling – mais justement pour cette raison très compatible avec mes recherches sur la culture populaire. Il présente l’avantage de manifester ses options narratives essentiellement à partir du portrait (et avec seulement 3 personnages principaux). C’est donc un cas d’école assez idéal et facile d’accès pour étudier les phases de la construction de récit. Avoue que ça aurait été bête, après avoir enregistré les principales étapes antérieures, de rater la conclusion (provisoire?) du feuilleton.

  8. Et comme je me méfie aussi un peu des sondages parus dans les médias (Journal du Dimanche,Le Parisien, etc), j’en ai profité pour faire une étude terrain.
    Dans une réunion de, disons, « professionnels des medias », chacun y allait de sa petite blague graveleuse. Il semblerait que la « confession » n’ait pas été trop convaincante.
    Dans le métro, autre ambiance, le lecteur très pointilleux du journal gratuit local, feuillette avec agacement la page consacrée à l’affaire et retourne celle-ci avec rage (la page ou l’affaire, au choix).

  9. @ Ksenija: Voir l’interprétation intéressante de CSP, qui rapporte l’intervention à un sauvetage des apparences typique de la culture bourgeoise: peu importe qu’on y croie, l’important c’est de manifester qu’on fait amende honorable.

    Il n’y a probablement pas contradiction entre l’efficacité de l’opération de com (comme en attestent les Unes de lundi) et sa faible crédibilité, car il semble bien que le plus grand nombre l’ait en effet perçue comme une opération soigneusement préparée plutôt que comme un aveu sincère. Pour faire un raccourci, je dirais qu’à la fois tout le monde est désormais convaincu que DSK est bel et bien « guilty« , mais que le fait de comparer sa prestation à celle de Clinton montre que le déplacement du judiciaire au moral, de l’agression à la séduction, a bel et bien bien fonctionné.

  10. « peu importe qu’on y croie, l’important c’est de manifester qu’on fait amende honorable. » C’est très américain, je ne suis pas certain que ce soit très français. La règle dans la culture bourgeoise pour tout ce qui touche à l’intime me semble plutôt relever du « n’avoue jamais ». « Faute avouée à moitié pardonnée » est un proverbe destiné aux enfants. Je me demande d’ailleurs si dans le cas d’un homme politique, l’aveu ne serait pas considéré comme une naïveté, un manque de maturité. La comparaison de sa prestation avec celle de Clinton ne fait que souligner l’étrangeté, vue d’ici, de la prestation de DSK. Mais je suppose que c’était pour ses conseillers un façon de déplacer le débat du registre de l’agression sexuelle à celui de l’infidélité conjugale. Et là on entre dans une tradition historique perçue en Europe comme un complément naturel ou presque du pouvoir.

  11. La comparaison avec l’affaire Clinton et la possibilité d’en faire un modèle par « les communiquants de dsk » a été évoqué avant même sa contrition télévisuelle… Le cumul TF1 – Chazal – Euro RSCG laissait donc peu de doutes sur le degré de sincérité à attendre de cette interview-con-fesses (ben oui, j’ose…).

    Alors, sans doute le portrait était-il bien brossé, presque redevenu lisse même. DSK Contri, DSK compétent et DSK combatif…

    Pour ma part, c’est toutefois son laïus final supposé rappeler la qualité et la validité d’une expertise toujours vivace, qui m’a le plus intrigué. Tant, justement, c’est l’effet contraire que je ressentais en découvrant la séquence, en différé. C’est à dire que j’entendais là une parole vide, des mots sans portée, des propositions impossibles (ou trop faciles) parce que celui qui les énonçait, justement, brusquement tombé de son piédestal, avait perdu toute aura, toute légitimité pour s’exprimer ainsi.

    C’est donc dans ce second rôle là que l’ex semblait le moins crédible. Tout comme cette sincérité de la mine grave, « silencieuse-et-les-yeux-fermés » que Dsk and com’ voulaient tant faire passer, le discours final sonnait faux. Il devait être le dernièr mouvement, donner le tempo avant le « on verra » final.. Mais, à l’oreille, il ressemblait trop bien au cadrage forcé de ce poing serré et censé concentrer toute l’énergie et la conviction d’une parole, d’une pensée. D’un homme dont on voyait si bien qu’il mentait, impunément.

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