Pour la révolution, tapez 1

L’image du jour n’est pas un extrait de la poussive émission présidentielle, mais la capture au Blackberry tweetée hier soir par le journaliste Nicolas Cori d’un brouillon d’éditorial pour Libération, avec cette légende: «Prévoyant, Joffrin avait fait deux éditos sur Moubarak. Voici celui qui va à la poubelle» (voir ci-dessus, cliquer pour agrandir).

On peut y lire l’annonce enthousiaste de ce qui se serait passé si le dictateur avait été démis hier soir: «Et de deux! Avec un courage hors du commun, le peuple égyptien a obtenu en dix-sept jours la chute d’un homme qui avait gardé le pouvoir près de trente ans. Les agressions des nervis, les intrigues de palais, les atermoiments de la nomenklatura militaire n’y ont rien fait. Le tyran a cédé. L’Egypte a gagné. Victoire!»…

La comparaison avec le texte publié ce matin permet de comprendre ce qui fonde l’exercice de l’éditorial, vigie qui surplombe l’actualité et indique les enjeux à venir. Pour le futur ex-directeur Laurent Joffrin, la faculté d’élaborer deux réalités imaginaires opposées résulte des contraintes pratiques du bouclage. Mais on ne peut qu’admirer cette illustration du journalisme comme il se fait, qui sait mettre chiffres et dates au service d’une capacité d’interprétation à proprement parler fabuleuse.

9 réflexions au sujet de « Pour la révolution, tapez 1 »

  1. Bah, à présent il va gouverner un hebdomadaire, il aura moins de difficulté à rendre compte de l’actualité brûlante (à libération, c’est au gros de s’y coller…)

  2. Pratique bien connue mais dont la découverte concrète est délicieuse… On pourrait faire une histoire potentielle fabuleuse avec ces textes jetés à la poubelle…
    ça prouve aussi qu’en dehors des vraies investigations, le travail quotidien du journaliste est avant tout un travail a priori, l’angle précède l’article , l’enquête est une confirmation, l’interview est orientée et « montée » pour signifier ce qu’on veut lui faire dire et pas forcément ce que l’interviewé a voulu dire, et l’Edito nous parle d’un monde qui n’existe que dans l’imagination de l’Editorialiste (et par voie de conséquence dans celui de ses lecteurs). C’est un travail de romancier… 😉

  3. Je n’ai pas lu les articles et donc je ne sais pas ce que valent les analyses de Joffrin, mais en même temps si hier Joffrin n’avait pas déjà ses deux angles selon que Moubarak partait ou non, il aurait mieux valu qu’il change de métier.
    Ca me rappelle les films hollywoodiens d’avant la télé avec la Une modifiée sur les presses juste avant que le journal soit imprimé et le plan des presses débitant les journaux en surimpression sur le visage du rédacteur pugnace.
    Avec le « breaking news » des actualités télévisuels, tout ce folklore a perdu son caractère mythique, mais ça n’en reste pas moins la croix des quotidiens.

  4. (HS)

    Bonjour André,

    Je découvre à l’instant Totem (quel nom magnifique!). A ma grande honte, je n’ai pas visité vos sites depuis longtemps… Le design est très réussi.

    Comme je suis inculte en culture visuelle, j’ai un peu de mal à interpréter les différentes rubriques que vous proposez sur Totem (à part « Agenda » et « Enseignement, là j’ai pigé 😉 ).
    Si vous pouviez me guider un tout petit peu…

    Merci !

  5. @Entrechat: Merci et bienvenue! A l’échelle de Totem, qui comprend surtout des « Notes » (observations diverses) et des « En images » (observations iconographiques), le rubriquage n’est pas très pertinent. Il sert surtout à classer les types de contenus à l’échelle de la plate-forme Culture Visuelle (http://culturevisuelle.org/blog/4154 ). Pour un classement thématique, utiliser les tags.

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