Rimbaud, la photo infidèle à l'icône

Il y a un mois était publiée une image inédite, supposée dévoiler pour la première fois le visage de Rimbaud adulte. Info ou intox? Je l’avoue: j’ai longtemps penché pour la seconde option. Parce que ce Rimbaud-là ne me paraissait tout simplement pas ressemblant, et parce que cette histoire de photo retrouvée avait l’odeur d’encens des légendes et des cultes. J’y voyais l’acharnement des adeptes du suaire de Turin qui, ayant une fois pour toutes décidé du caractère surnaturel du drap, accumulent les preuves les plus étranges, en dépit d’un évident défaut de méthode.

(1) "Sur le perron de l'hôtel de l'Univers", Aden, 9,6 x 13,6 cm, v. 1885. Tirage découvert par Alban Caussé et Jacques Desse en 2008.

Les libraires Alban Caussé et Jacques Desse ont raconté l’histoire de la découverte du portrait. En 2008, dans un carton de livres et de documents, un lot d’une trentaine de photos est identifié comme issu d’un album appartenant à Jules Suel, propriétaire de l’hôtel de l’Univers à Aden. Leur relation tout comme l’article cosigné avec Jean-Jacques Lefrère, spécialiste de Rimbaud, expose une accumulation de recherches confirmant qu’ils ont en main «des photos représentant des lieux fréquentés par Rimbaud, provenant de chez quelqu’un qui l’a connu» (Desse), mais aucune preuve décisive de l’identité du personnage.

Surtout, deux ans après la trouvaille, le document qui a désormais été vendu à un collectionneur n’a toujours pas fait l’objet d’une expertise par un spécialiste de photographie historique. Ce qui peut faire sourire, sachant que la fourchette temporelle proposée par les découvreurs pour dater l’image est la période 1880-1890. Cette décade étant très précisément coupée en deux par l’introduction d’une nouvelle technologie, le gélatino-bromure d’argent ou plaque sèche, il suffit d’identifier le procédé pour situer la prise de vue avant ou après 1885, et refermer ainsi de moitié la fourchette.

L’absence d’un regard exercé se fait particulièrement sentir dans les interprétations de l’attitude du personnage: «l’allure de Rimbaud est elle d’un homme fatigué et un peu égaré, dont quelques traits — l’expression de lassitude, l’enfoncement des yeux — semblent porter la marque d’un passé difficile. Manifestement, et malheureusement, il a bougé pendant la prise de vue, ce qui donne deux bords à son visage, et ce tremblé contribue à donner un aspect lisse à ses traits et une apparence un peu fantomatique à son regard (…) Il fait semblant d’être là et bien comme il faut, mais ça ne prend pas. Son expression reflète-t-elle un certain malaise social? (…) Sur l’image du perron de l’Hôtel de l’Univers, il est assis mais semble sur le point de se lever. Tout son être paraît protester contre son intégration à ce rituel bourgeois de la séance du portrait de groupe, auquel, pourtant, il n’échappe pas» (Lefrère/Desse).

Comment mieux illustrer la focalisation du regard sur le sujet désigné par avance que par la surinterprétation du flou qui l’affecte? Car un examen même superficiel de l’image montre qu’aucun des personnages présents n’est véritablement net. Mieux: à part les vêtements blancs, dont l’actinisme a fortement impressionné la plaque, ce sont tous les objets représentés sur la photo dont les bords sont marqués par un léger tremblement, plus ou moins distinct en fonction du contraste des zones (voir ci-dessous). Les pieds des fauteuils par exemple – dont il est difficile de penser qu’ils ont pu bouger pendant la prise de vue – témoignent du même déplacement que celui qu’on aperçoit sur le visage du candidat-Rimbaud.

(2-7) Détails montrant l'ébranlement de l'obturateur (cliquer pour agrandir).

Pour le spécialiste, ce bougé qui affecte également toutes les parties de l’image correspond à une signature très précise: celle de l’ébranlement de l’appareil au moment de la prise de vue, provoqué par le mouvement d’un obturateur défectueux ou mal ajusté – un symptôme typique des premiers essais d’instantanés au gélatino-bromure d’argent. Avec le petit format, le tirage albuminé ou la surexposition manifeste du cliché (trop clair par excès de pose, la plaque sèche étant beaucoup plus sensible que le collodion), cette indication suggère une datation nettement plus serrée, probablement entre 1884 et 1886.

Non, Rimbaud n’a pas bougé. Il est accoudé sur la table, non moins solidement calé que ses camarades, comme l’a requis le photographe qui s’essaie à la plaque sèche, mais qui connaît son métier et qui a soigneusement composé le groupe, comme à son habitude avec le procédé au collodion. Quant à fantasmer sur ce qu’on peut lire ou non dans l’expression du personnage, outre que le bougé n’y encourage guère, il faut un goût particulier de l’anachronisme pour y céder. Il m’est arrivé de participer à la reconstitution de portraits de groupe aux procédés anciens. Une telle circonstance est plus proche d’un tournage de film que d’un instantané moderne. L’installation du matériel, la composition et le choix des attitudes, la procédure d’essai occupent aisément une bonne demi-heure, pendant laquelle les sujets de l’expérience attendent patiemment le moment fatidique, dans une scénographie constamment contrôlée par l’opérateur. Un visage impassible et un regard fixe sont les résultats les plus constants d’un exercice qui devient vite fatigant, et qui ne prête guère à l’exubérance.

Il y avait donc de nombreux éléments qui laissaient à désirer dans l’analyse de l’épreuve, et qui pouvaient faire douter du sérieux de l’identification. Il m’a fallu procéder moi-même à quelques vérifications, comparer l’iconographie existante, les autoportraits du Harar (11) et surtout le dessin tardif par Isabelle Rimbaud, sa sœur (13), pour admettre finalement que la photo d’Aden s’insérait parfaitement dans la série des images de Rimbaud adulte (voir ci-dessous). Oui, c’est incroyable, mais ce portrait de groupe de mauvaise qualité, trouvé par hasard, sans tradition ni légende, porte bel et bien l’empreinte du visage de l’auteur des Illuminations.

Portraits de Rimbaud. Ligne supérieure: (8-9) Carjat, 1871; (10) Fantin-Latour, 1872. Ligne inférieure: (11) autoportrait, 1883; (12) anon., v. 1885; (13) Isabelle Rimbaud, 1891.

Et c’est ici que la véritable discussion commence. Car les nombreuses réactions d’incrédulité qui ont accueilli la publication de cette image – à commencer par la mienne – témoignent d’un problème curieux: l’image de Rimbaud adulte ne ressemble pas à celle du poète adolescent qui nous est familière.

La perception de la ressemblance est un phénomène complexe. Vrais jumeaux, mes fils m’ont donné maintes fois l’occasion de vérifier à quel point l’expression était susceptible de modifier ou de brouiller la physionomie (ce que la police reconnaît lorsqu’elle nous demande de nous abstenir de sourire pour nos photos d’identité). Mais j’ai aussi pu constater que l’exercice de la reconnaissance dépend de compétences culturelles qui ne sont pas également réparties. Alors que de nombreuses personnes sont capables de distinguer mes enfants malgré leur forte ressemblance, plusieurs n’y arrivent pas, y compris dans le proche entourage familial, ce qui signifie que nous n’avons pas tous les mêmes stratégies d’identification. Ces divergences montrent que la ressemblance ne peut pas être décrite comme un phénomène objectif, et qu’il faut rester prudent dans des appréciations qui conservent un caractère relatif.

Face au portrait d’Aden, de nombreux lecteurs ont exprimé leur déception: «En fait, rien de plus décevant que cette photo d’une affligeante banalité où apparaît un homme tout à fait ordinaire.» Les découvreurs eux-mêmes n’hésitent pas à qualifier d’«un peu minable» sa petite moustache et sa coupe de cheveux «de garçon de café». Sur cette image, Arthur ne nous apparaît pas fidèle à lui-même. Les traits de ce visage sont peut-être cohérents avec la série des portraits de Rimbaud adulte, mais cet homme-là n’a plus rien à voir avec le héros échevelé d’Une saison en enfer. «Ce portrait, peut-on lire sur Rimbaldissimo, symbolise le plus justement possible la triste réalité. Oui, cela signifie que, désormais, Rimbaud le poète est bien mort. Lui succède l’adulte aventurier, le marchand d’armes et commerçant qui ne se distingue pas dans son comportement des autres profiteurs du système colonial.»

Rimbaud adolescent vs Rimbaud adulte? Pourquoi pas. Cette césure a l’avantage de paraître cohérente avec les deux séries iconographiques. Mais il y a peut-être une autre façon de poser le problème. Parmi les images de Rimbaud jeune, ce n’est pas au célébrissime médaillon de Carjat (ci-dessus, ill. 9) que Desse et Lefrère font appel pour comparer la photo d’Aden, mais à une photo-carte de visite moins connue (également attribuée à Carjat, ci-dessus, ill. 8), «que Georges Izambard, son professeur de rhétorique, trouvait la plus ressemblante» (Lefrère/Desse).

Cette image d’apparence plus banale, qui présente en effet plusieurs traits compatibles avec la série des Rimbaud adultes, comporte une différence d’expression sensible avec l’illustre portrait du «Casanova gosse» que décrivait Verlaine. Et si c’était cette photographie du Rimbaud standard qui faussait les pistes? Et si c’était Carjat, génial portraitiste, créateur du Baudelaire mélancolique et de bien d’autres icônes des écrivains de la fin du XIXe siècle (voir ci-dessous), qui, par un éclairage habile, un coup de crayon discret, avait créé une image plus fidèle à l’idée reçue du poète qu’à la physionomie de Rimbaud?

(14) Charles Baudelaire, (15) Alexandre Dumas, (16) Jules Verne, (17) Emile Zola, Galerie contemporaine, littéraire, artistique, éd. Goupil, photos Carjat, v. 1884.

Je ne me hâterai pas de répondre à cette question, qui interroge tout notre imaginaire de la littérature, en ses aspects les plus secrets et les plus dérangeants. Comment admettre que notre admiration pour les plus grands auteurs s’alimente aussi de la séduction des images, et cela depuis fort longtemps? Précisément depuis la Galerie contemporaine, littéraire, artistique, éditée par Goupil en 15 volumes in-folio entre 1876 et 1885, qui associe à la biographie des grands hommes leur photographie, mais aussi volontiers leur signature ou une reproduction d’un manuscrit, faisant jouer à ces traces fétiches le même rôle de preuves d’un culte que les reliques d’un saint (voir ci-dessus).

La Galerie contemporaine, dont Etienne Carjat fut l’un des plus fidèles collaborateurs, ne comprend pas le célèbre portrait de Rimbaud. Celui-ci servira de modèle à une gravure de Luque illustrant l’édition de 1888 des Poètes maudits de Verlaine, avant d’être publié en 1922 en frontispice du second volume des Oeuvres complètes (éditions de la Banderole). Mesurer l’impact de cette icône sur notre perception de l’œuvre demanderait une thèse. On se contentera ici d’une recherche sur Google images, qui atteste de sa fécondité (voir ci-dessous). Rimbaud ne se résume certainement pas à une icône – mais il n’existe pas sans elle. L’emprise d’une image peut-elle devenir une tyrannie? C’est toute la question que pose le portrait d’Aden – la photo infidèle à l’icône.

(18-37) Diverses versions du portrait de Rimbaud par Carjat, source: Google Images.

Références

Lire la suite: « Rimbaud et les docteurs de la ressemblance« , 30 janvier 2011.

80 réflexions au sujet de « Rimbaud, la photo infidèle à l'icône »

  1. J’ai eu moi aussi un doute, ou plutôt une résistance… Pas envie de voir ça !
    L’icône est efficace parce qu’elle incarne la jeunesse faite poésie, la révolte faite verbe… Les lèvres gonflées de mots tranchants, le regard d’acier… (sur la photo félonne, il a gardé ses lèvres)
    Rimbaud adulte, devenu un « assis »… Inacceptable… Ils ont même imaginé qu’il allait se lever…
    La photo infidèle à l’icône est fidèle à cette fulgurante vérité sur le sujet moderne… « je est un autre ».
    Finalement, c’est tout lui !

    Et bravo pour la manière dont l’instant est ici restitué à partir des conditions matérielles de sa saisie photographique.

  2. De quoi rappeler le séjour très profitable à l’IMEC (Institut Mémoires de l’Édition Contemporaine, http://www.imec-archives.com/imec.php) et l’émerveillement procuré par l’ouverture des boites pleines d’images consacrées à quelques personnalités de la littérature et des sciences humaines.

    « On pourrait ainsi mesurer le degré de notoriété, de “construction” de l’image publique des auteurs. Les fonds non conditionnés sont pour cela plus parlant puisqu’ils contiennent les albums d’époque et leur aspect “non trié” peut être révélateur. […] Il suffit de quelques images plus personnelles, plus inattendues, pour immédiatement fissurer les personnages publics. », avions-nous alors essayé de résumer sur http://lhivic.org/atelier/?p=71.

  3. Belle discussion, belle hypothèse que l’instantané « raté ». La photo récemment découverte m’a moi aussi troublé, parce que Rimbaud semble ressembler à n’importe quel pékin voire à Marcel Proust sinon à un vieux copain qui n’a pas dépassé le certif (c’est surtout l’effet moustache). Le portrait de Carjat m’a toujours troublé, lui, en raison de son anachronisme: comment se fait-il que l’icône de Rimbaud ressemble à celle de James Dean? En 1922 celui-ci n’était pas né. Il serait intéressant, comme tu le proposes, de faire une thèse sur l’image de Rimbaud.

  4. Merci pour cette analyse très sensée. J’aurai aimé avoir également votre avis sur l’hypothèse selon laquelle les deux portraits de Carjat auraient été pris le même jour et non comme on le suppose généralement à plusieurs mois, voire années de distance.

  5. @Olivier Beuvelet: Oui, renverser les icônes était un programme que Rimbaud n’aurait pas renié…

    @Audrey Leblanc: Merci de ce rappel! Chaque nouveau cas permet d’avancer. Au moment de l’Imec, je ne voyais que l’aspect de la photo comme indice de notoriété. Le cas Rimbaud m’a fait percevoir son aspect d’indice du culte – un pas décisif.

    @François Brunet: Merci! Et pourquoi pas une thèse sur l’image de la littérature? Ce serait un magnifique sujet!

    @Patrick Taliercio: Le portrait-carte n’est à ma connaissance pas documenté, mais à moins d’imaginer que Rimbaud se rende deux fois chez Carjat avec le même costume, il est en effet probable que celui-ci a été réalisé le même jour. La différence entre les deux images n’en est que plus frappante. Je n’ai pas eu l’occasion d’examiner de visu le n° 9, les reproductions existantes montrent que l’état du tirage est assez médiocre, mais la simple comparaison entre les deux portraits suggère fortement qu’il a fait l’objet d’un travail de postproduction.

  6. Votre idée que l’identification d’un visage se fait sur des critères subjectifs me fait rappeler un fait que j’ai remarqué en tant que photographe amateur de portraits. Les gens s’aiment souvent sur les photos lorsqu’ils ne reconnaissent pas les traits ou les expressions qui les caractérisent le plus. La plupart du temps sur ces clichés l’expression qui les anime est une expression qui je qualifierais de stéréotypée, qui se raccroche à une panoplie d’expressions issue des icônes de la mode, du cinéma. Lorsqu’ils se voient dans ces attitudes ils se reconnaissent dans les mythes. La déception face au cliché de Rimbaud ressemble à celle que nous pouvons avoir devant notre miroir quand nous cherchons des expressions irréelles qui nous conforteraient dans une image mythologique. Rimbaud n’était donc qu’un homme, bigre !

  7. @Ideophage: C’est exactement ça. Plutôt qu’un portrait, il s’agit d’une sorte d’image-type, un « patron » que l’on peut remplir ou compléter avec toutes les associations possibles (comme ci-dessus James Dean…)

    Voir par exemple l’assez jolie extrapolation « en pied » du Carjat au musée Rimbaud de Charleville 🙂
    http://www.flickr.com/photos/deslilas/4174418911/sizes/l/

    Du reste, cet aspect très évanescent de l’image ne me paraît pas ressembler à la manière de Carjat. Je ne serais pas étonné d’apprendre que la version aujourd’hui connue du portrait dit « à la cravate » soit passée par les mains d’interprètes postérieurs…

  8. Étant un fana du cadrage truqueur, je distingue une astuce élémentaire dans la photo de Carjat. Sur la photo 8, Rimbaud regarde l’opérateur avec méfiance, comme si c’était un dentiste réglant sa roulette. Aussi, pour la photo 9, Carjat lui suggère de regarder plus haut, au ras du plafond ; ainsi le cou se dégage et la paupière se soulève : l’attitude est toute de hardiesse.

    Et c’est comme ça qu’on finit par devoir dire « ouistiti » !

  9. Bonjour.
    Une des avancées toutes récentes concernant ce cliché à Aden, a permis d’identifier une autre personne sur la photo, le moustachu debout à gauche.
    Il s’agirait de l’explorateur Henri Lucereau, décédé en octobre 1880 (selon les découvreurs de ce document).
    Ce qui ne cadre plus du tout avec les hypothèses techniques avancées quant au bougé de la photo et qui donnaient comme fourchette la période 1884-1886.

  10. @Butterfly: Information précieuse, qui permet de préciser de façon décisive la datation du cliché! Cette indication n’est pas en contradiction avec les éléments fournis par l’analyse visuelle. Comme on pourra le vérifier dans ma thèse, le démarrage de l’utilisation du gélatino-bromure est plutôt lent, à partir de 1879. La fourchette suggérée ci-dessus correspond à la probabilité moyenne d’un tel usage. Son utilisation en 1880 est possible, mais pas typique: il peut s’agir dans ce cas d’un emploi précoce, d’autant plus intéressant. J’espère avoir l’occasion de consulter le corpus original: je pourrai alors préciser une analyse qui n’est livrée ici qu’à titre indicatif. A suivre, donc…

  11. Les rebondissements de l' »affaire Rimbaud » subissent l’accélération du web (en l’occurrence du forum rimbaldien sur mag4.net) et prennent de plus en plus les contours d’un roman de Dan Brown. Contrairement à l’opinion d’un président de la république récent, le patrimoine littéraire reste un sujet de controverses d’une actualité brûlante!

    Selon Jacques Bienvenu, qui croise les agendas des protagonistes avec la sagacité d’un Sherlock Holmes, la photo d’Aden, qu’il date de mai 1880, ne peut pas comprendre le personnage de Rimbaud:
    http://www.larevuedesressources.org/spip.php?article1665

    On attend avec impatience le prochain épisode de cette passionnante saga!

  12. La version mise en ligne ci-dessus de la photo d’Aden (fig. 1) donnait initialement accès par hyperlien à un agrandissement disponible sur Flickr (1890 x 1332 px), copie de l’image mise à la disposition du public par les découvreurs sur le site http://www.histoires-litteraires.org/ (et retirée depuis). A la demande insistante de Jacques Desse (5 mails), et pour préserver ma tranquillité, j’ai fini par remplacer cette version par une autre plus petite (750 x 529 px), portant le « copyright » ADOC/Chez les Libraires associés, qu’il m’a envoyé à cette fin.

    Je trouve personnellement détestables ces procédés de censure, non moins que l’usage abusif d’un « droit de reproduction » à propos d’un document qui relève juridiquement du domaine public et historiquement du patrimoine culturel. Preuve d’une connaissance très approximative du droit, l’apposition d’une mention de copyright sur un tel document est aussi ridicule que de vouloir breveter la pierre de Rosette et aussi choquant qu’un solécisme aux oreilles d’un lettré. A plus forte raison si l’on estime que cette photographie a une valeur patrimoniale, et si l’on considère que la version scannée est désormais la seule accessible, puisque l’original est en mains privées. J’ai donc ajouté les signes de la censure à cette version qui m’est imposée, et regrette que mes lecteurs ne puissent plus se livrer à un examen détaillé de l’image.

    Comme en témoigne la demande de retrait de l’article de Jacques Bienvenu cité ci-dessus (remplacé depuis par une autre version), au motif de la diffamation et de la même revendication abusive d’un « copyright » sur l’image, une certaine fébrilité s’est emparée du camp des découvreurs, qui ont une vision très personnelle de la façon dont doit se dérouler une discussion publique. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils ne rendent pas service à leur cause.

  13. Etre un intellectuel ne devrait pas interdire de tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de tirer.

    Ainsi, il est aujourd’hui établi que ce cliché daté un peu rapidement de 1885-86 par André Gunthert ne peut avoir été réalisé qu’en 1880.

    Et André Gunthert est bien placé pour savoir que nous sommes tout à fait disposés à donner toutes les facilités à ceux qui voudraient effectuer des recherches objectives sur cette image.

    Cordialement,

    Jacques Desse

  14. @Jacques Desse: « Etre un intellectuel ne devrait pas interdire de tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de tirer » – Merci du conseil, bienvenu de la part d’auteurs ayant publié dans une revue savante une datation large d’une décade, soit plus d’un quart de la vie de Rimbaud 😉

    « A donner toutes les facilités à ceux qui voudraient effectuer des recherches objectives sur cette image » …Sauf bien sûr l’accès aux originaux, qui ne m’a pas été accordé jusqu’à présent, et sans lequel on ne peut évidemment formuler que des conjectures…

    (Accessoirement, j’adore l’usage de l’adjectif « objectives » dans la formule ci-dessus, confirmation d’une pratique un peu fraîche du débat historique… 😉

  15. Sur le marché de la bibliophilie, il se murmure avec insistance que si les découvreurs sont devenus trés fébriles, c’est surtout parceque leur acheteur regretterait son achat et aimerait bien l’ annuler…

    Vrai ? PAs vrai ? souhaitons que monsieur Desse nous en dise un peu plus

  16. Très intéressante analyse et exposition « raisonnée » d’une iconographie indispensable.

    Dommage que des problèmes de « droits d’auteur » pour la photo découverte viennent entacher la fin de ce parcours passionnant.

    Il faudra donc peut-être envisager une prochaine étude : « L’image patrimoniale et ses ayant-droits ».

  17. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l' »acheteur » d’ avril n’a pas acheté une photo inédite, puisqu’au moment de son achat, elle était publiée partout dans la presse et sur Internet, reprise en couverture du dernier livre de Lefrére, droites retenus par ADOC/Les Libraires associés, etc. Une stratégie, qui peut paraitre surprenante de la part de Jacques Desse (utiliser à mort une photo avant de la vendre au lieu de la négocier en tant qu’inédite, ce qui normalement lui donne plus de valeur pour un vrai collectionneur (? un point à creuser peut-être, l’acheteur est peut-être simplement un investisseur)), et qui me semble ne pouvoir s’expliquer que part le besoin de « créer de la mousse » autour de cette image refusée auparavant par le musée de Charleville-Mézières.

    Sur ce point j’ajouterai, et c’est un avis tout à fait personnel, que la posture actuelle de JD est un peu ridicule : après avoir tout fait en ce sens (dossier de presse, convocation des journalistes, interviews TV, publication dans Histoires Littéraires, etc., etc., etc.) JD joue maintenant à la pucelle effarouchée « ah ba non vraiment on s’y attendait pas »… Jacques, sur ce point vous déconnez : assumez, vous avez fait une découverte formidable, vous en tirez le profit maximum (financier et publicitaire) je n’y vois aucun mal mais assumez, bon dieu !

    Je pense personnellement, à la lumière des différents débats, qu’il s’agit bien de Rimbaud sur la photo, mais le manque d’analyse scientifique de la photo (technique de tirage, etc etc) ainsi que le délire de Lefrére sur l’attitude de Rimbaud volontairement en retrait du groupe (« tout son être parait protester… »)… (délire qu’il a lui même justifié en disant avoir voulu être le premier a proposer une interprétation) n’aident pas à prendre tout cela au sérieux (l’explication la plus évidente pour cette photo de 1880 étant seulement que Rimbaud fuyant Chypre où il avait peut-être assassiné un ouvrier venait juste d’arriver à Aden et donc n’était pas encore parfaitement intégré au groupe et n’avait eu le temps de se conformer aux gouts vestimentaires de ses récents amis de rencontre. D’ailleurs Rimbaud cherchait du travail, cette photographie représente son entretien de recrutement, et on voit mal un candidat à un poste «protester de tout son être» contre son futur patron lors de son entretien d’embauche! Ou alors c’est qu’il n’est pas motivé – or Rimbaud, à ce moment là, avait vraiment besoin de travailler).

    Quand a vous, André, un peu d’humilité aussi… la certitude avec laquelle vous avez d’ abord daté 1884-1886 en vous basant sur la seule technique apparente me (nous) laisse pantois !

    J’avoue ne pas bien comprendre votre affirmation disant que le document relève juridiquement du domaine public – même si je comprends tout a fait votre énervement vis-à-vis de JD : les droits ne se comptent-ils pas a partir de la première publication (donc 2010 et non pas 1880) ? Et même les éléments du « patrimoine culturel » sont soumis à la loi ordinaire…

    Qu’en pensez-vous ?

  18. @Blanloeil: Pourquoi voir partout complots et stratagèmes? Le système médiatique étant ce qu’il est, la découverte une fois publiée, on ne peut pas faire semblant d’être surpris par le buzz, qui s’entretient très bien tout seul. Sur un plan d’histoire culturelle, les amis de la littérature devraient être heureux que la figure de Rimbaud suscite encore un tel intérêt – même si cette histoire a confirmé que le poète est aussi une icône pop.

    L’humilité est une de mes principales qualités 😉 Je commence tout de même ce billet en avouant m’être trompé – ce qui, vous l’admettrez, n’est pas l’attitude la plus répandue dans ce débat… Si vous me relisez tranquillement, vous verrez que ce que je propose ci-dessus n’est autre qu’un avis, énoncé avec toute la prudence nécessaire (« suggère », « probablement »…), à partir de l’examen visuel d’une reproduction, et en aucun cas une expertise, qui n’est possible qu’à partir de la consultation de l’original. En d’autres termes, je n’interviens pas dans cette discussion à titre d’expert (puisque je n’ai pas eu l’original entre les mains), mais uniquement comme historien de la photographie et bon connaisseur de la période. Malgré la large diffusion de cette image, je crois avoir été le premier à faire remarquer que le flou y est généralisé (ce qui coupe court aux interprétations fantaisistes des humeurs de Rimbaud) et à proposer une explication de ce phénomène, par l’ébranlement de l’obturateur – observation qui n’a pas été contestée et qui reste à mon (humble) avis parfaitement valable, et susceptible d’être corroborée avec d’autres indices pour renforcer une datation. Je rappelle que ma proposition de fourchette a été énoncée à un moment où celle des découvreurs s’ouvrait de 1880 à 1890 – ça m’apprendra à vouloir donner un coup de main 😉

    Sur le volet juridique, vous êtes dans l’erreur. Les droits d’auteur ne courent pas à partir de la publication de l’oeuvre (ça, c’est le copyright), mais s’étendent 70 ans après la mort de l’auteur. Consultez le code de la propriété intellectuelle, vous verrez que c’est le seul critère pour définir le domaine public. Le possesseur d’une oeuvre, s’il n’en est pas l’auteur, n’a aucun droit sur celle-ci – à l’exception des droits liés à la propriété matérielle: il peut s’opposer à y donner accès, ou à la laisser reproduire, mais il ne peut pas s’opposer à la réutilisation d’une reproduction déjà en circulation, car le seul droit de reproduction existant en droit français est celui de l’auteur. Quant au domaine public, la règle est simple: personne ne peut prétendre à l’exercice d’un droit en matière de domaine public – ce serait une contradiction dans les termes. La reproduction d’une oeuvre du domaine public appartient par principe au domaine public. Seule une oeuvre définie comme « originale » est susceptible de créer de nouveaux droits. Ce principe peut être apprécié en fonction du contexte: un tribunal reconnaîtra par exemple volontiers le caractère d’oeuvre originale à une photographie d’une statue ou d’un ouvrage d’architecture, dont la représentation laisse place à l’interprétation et à la subjectivité. À l’inverse, il est contradictoire de revendiquer le critère d’originalité dans le cas de reproductions « fidèles » d’oeuvres en deux dimensions (tableaux, estampes, photographies, cf. Marie Cornu, Nathalie Mallet-Poujol, Droit, Oeuvres d’art et Musées. Protection et valorisation des collections, Paris, CNRS éditions, 2006, p. 485). Je sais bien que la BNF ou la RMN associent des interdictions de copie à des reproductions d’oeuvres du domaine. Ces mentions sont abusives, et les responsables des collections le savent: le chef de l’agence photographique de la Réunion des musées nationaux a admis publiquement sur France Culture que les 365.000 images disponibles sur le site de l’agence sont librement copiables pour des usages non commerciaux. Il n’y a jamais eu de procès pour reproduction de copies soi-disant « protégées » – et pour cause: ils seraient perdus.

  19. Quelques précisions :

    – Le Musée de Charleville n’a pas refusé cette image, il aurait bien aimé pouvoir l’acheter (des responsables de grandes institutions ont d’ailleurs manifesté depuis leur déception de ne pas avoir été mis en position de l’acquérir).

    – Les auteurs de commentaires sur le manque de sérieux de nos recherches ne savent pas ce que nous avons fait ou pas (il y avait assez à dire, nous n’avions pas de raison de mentionner les recherches qui n’ont pas amené d’éléments décisifs).

    Il est d’ailleurs amusant de constater qu’après que des centaines de personnes, dont certaines très affutées, se soient penchées sur cette image, des tas de pistes n’ont pas été envisagées, et quantité de détails parfois très significatifs n’ont pas été remarqués.

    – Nous avions de bonnes raisons de ne pas donner notre hypothèse sur la période précise de prise de vue : au premier chef parce que nous n’avions pas de certitude !

    – La photo de Rimbaud à Aden a été diffusée par l’AFP et reproduite gratuitement par des centaines de médias à travers le monde. Nous n’avons empêché personne de l’utiliser sur Internet, y compris Wikipedia, y compris ceux qui nous ont attaqués, parfois de la manière la plus basse (sauf dans un cas, bien spécifique, mentionné ci-dessus).

    – A titre personnel je suis pour la liberté et gratuité totale de l’information, et pour l’abolition des droits de reproduction et des droits d’auteur (la satisfaction de créer me paraît une rémunération bien suffisante). Les images anciennes présentes sur Wikipedia sont à 90 % piratées dans des livres et c’est très bien ainsi (s’ils ne voulaient pas qu’elles circulent, les auteurs et éditeurs n’avaient pas à les publier). Les banques d’images de Roger-Violet, de la RMN, de la BnF, etc., devraient être accessibles librement. Interdire à Getty Images, par exemple, de les diffuser, est immoral, et illégal si j’en crois la discussion précédente (on attend avec impatience que Google réalise cet état de fait et vienne ruiner ces féodaux vivant sur le dos d’œuvres du domaine public).

    Le scan de bonne qualité mis en ligne par André Gunthert sur Flickr semble avoir été immédiatement utilisé pour en faire des tirages 18 x 24 vendus sur Ebay. On le retrouvera peut-être demain sur des T-shirts ou des mugs : tant mieux, ça fait tourner le petit commerce. André Gunthert aurait d’ailleurs pu faire la même chose quand il était président de la Société Française de Photographie : pourquoi n’a-t-il pas versé l’immense fonds ancien de la Société sur Flickr ou Wikimedia, les rendant ces images passionnantes accessibles à tous, au lieu de gérer en bon père de famille ces droits de reproduction illégitimes voire illégaux ? Plutôt que de donner des leçons, il aurait donné l’exemple. Et, cette fois on aurait pu en tirer le profit maximum sans se fatiguer : du papier toilette Albert Londe, ça pourrait marcher, et ne ferait même pas scandale.

  20. Monsieur Desse,

    Vous dites en substance que vous n’ avez pas pris la peine d’indiquer dans vos différents articles entourant la découverte de cette image toutes les recherches que vous avez mené ; cela sens la jésuitique a plein nez : s’agissant d’une photographie ancienne, pensez-en ce que vous voulez mais ne même pas avoir ne serait-ce que quelques lignes sur la technique employée ressort quand même du manque de sérieux. J’ajoute que l’ explication sur le « flou » d’ André Gunthert est beaucoup plus convaincante que celle de Lefrère (« Rimbaud a bougé parce que son être proteste de toute sa force contre son intégration dans ce portrait » – je résume), nous aimerions avoir vos arguments sur ce point.

    Sinon, par analyse scientifique, on peut aussi entendre l’ analyse des ombres qui permettrait peut-être de situer la photo dans l’année (encore que vu la lattitude d’ Aden je n’en sois pas sûr) ; cette technique de datation par l’étude des ombres portées a déja été utilisée pour certaines photos, et même pour certains tableaux. Jacques, dites moi que vous avez suivi cette piste et que si vous ne l’avez pas mentionnée c’est seulement parce qu’elle n’a rien donné..

    Laissez donc Albert Londe tranquille, il n’a rien a voir avec tout ça.

    Que pensez vous de ma tentative d’ explication psychologique de la photo ? Rimbaud vient de passer un entretien d’ embauche, un photographe passe par là, Rimbaud se retrouve intégré à un groupe qu’il connait peu, ce qui explique son attitude (le « body langage ») un peu différente de celle des autres protagonistes. Tentant, non ?

  21. J’invite M. Gunthert à consulter le « Magazine littéraire » de juin, dans lequel je donne quelques éléments peu connus sur l’iconographie rimbaldienne, notamment sur les portraits par Carjat.

  22. Monsieur Bienvenu, j’ai dévoré votre article dans le Magazine Littéraire ce week-end, ce que vous dites est étonnant et trés interessant (et argumenté). Il se pourrait donc que la photographie la plus connu de Rimbaud soit en fait un truquage de Berrichon, lequel a, vous en apportez la preuve, truqué l’autre photo de Carjat ainsi que certains dessins, pour mieux les faire correspondrent à l’ idée qu’on peut se faire d’un poëte de 15 ans… ! J’en suis resté, je l’ avoue, baba !Perplexe, et intéressé.

    Ma question : votre thèse, bien étayée, a certainement du être combattue par d’autres. Pouvez vous nous indiquer les principaux arguments des opposants (dans le souci de se faire une opinion éclairée)?

    Merci d’ avance, et merci pour vos articles.

    Christian Blanloeil

  23. Merci pour votre aimable message. Ma thèse n’a pas été combattue ( et pourquoi le serait-elle ?) pour la bonne raison que c’est la première fois que je l’expose. Pour tout vous dire je la réservais à un ensemble plus vaste auquel je travaille depuis plusieurs années, mais les circonstances m’ont amené à en parler plus tôt que je ne le pensais.Ce trucage des photos de Berrichon n’est pas connu. Ainsi ne peut-on reprocher à M. Gunthert d’avoir mis en N°8 la photo de Berrichon qui est fausse.

  24. @Jacques Bienvenu: …Tout autant que la n° 9, si j’en crois votre article, dont la 1e partie conclut à la retouche probable de la célèbre photo de Carjat par Berrichon. Je n’avais donc pas tort de soupçonner que le portrait dit “à la cravate” ne nous livrait pas la véritable physionomie de Rimbaud, ni de penser que le problème de la ressemblance était posé à l’envers. Dossier décidément passionnant, qui se corse à chaque étape! Attendons maintenant la réponse de Lefrère…

  25. Une petite contribution à ces pistes fort intéressantes, postée il y a plus d’un mois sur notre blog :

    http://chezleslibrairesassocies.blogspot.com/2010/04/rimbaud-et-les-chercheurs-de-poux.html (voir aussi notre témoignage sur le site Ricochet)

    L’agitation autour de la photo d’Aden aura au moins eu le mérite d’attirer l’attention sur les questions que pose l’iconographie de Rimbaud, et sur le fait que l’icône de Carjat ne soit pas la moins problématique de toutes. Je trouve d’ailleurs passionnant l’article de M. Bienvenu dans Le Magazine littéraire, même si la conclusion est plutôt amusante, faisant de la joliesse d’une image le critère final de son authenticité ! (Est-ce la troisième voie, dépassant Berrichon et Lefrère : au-delà de la mythologie et du positivisme, l’esthétisme ?)

  26. Vous avez compris M. Gunthert ? Le portrait de Lucereau dont j’ai révélé la présence ne change pas ( comme vous avez pu le constater) seulement les dates ! Il prouve que si Bardey est sur la photo, alors Rimbaud ne peut y être! Incroyable ! Et qui l’aurait prévu ? M. Lefrère pressentait la présence de Bardey, mais il ne pouvait l’affirmer. La ressemblance est frappante avec le portrait authentique mais il y a un problème. Le personnage de la photo semble plus âgé à cause de sa calvitie. Une calvitie précoce à 26 ans ? C’est possible ? Mon fils me parle de Zidane..Il me dit que dans son école d’ingénieur il y a un qui est déjà chauve…Alors ? Qu’en dites vous M. Gunthert ? Vous dites que c’est passionnant…Enfin vu de l’extérieur.. en spectateur… Vous avez vu l’heure ? Je travaille encore…AH! M. Gunthert ! Quelle histoire ! Le comble est que le 11 juin la famille Bardey présente leur collection au musée Rimbaud à Charleville. Ont-ils une photo décisive ? Qui le sait ?

  27. Oui, j’ai bien compris votre argument, déjà développé dans la Revue des ressources, auquel Lefrère a répondu. Si j’en crois les dernières discussions sur le forum, rien n’est tranché, on attend le 11 juin. Ce qui me frappe, au final, est le caractère très ténu des informations dont nous disposons relativement aux portraits de Rimbaud jeune. Aucun original, des reproductions médiocres et tardives, des imputations invérifiables, des manipulations avérées construisent un paysage particulièrement indécis.

    Votre développement sur la version à la gouache du portrait de Rimbaud par Fantin-Latour me paraît discutable. Après nous avoir convaincu des falsifications de Berrichon, on ne comprend pas bien comment cette image plutôt mièvre trouve grâce à vos yeux, d’autant qu’elle s’insère parfaitement dans l’iconographie dont vous établissez qu’elle traduit la vision de Paterne. Même si elle était authentique, ce qui reste à établir selon les méthodes de l’histoire de l’art, on comprend bien qu’il s’agit d’une copie d’après le Coin de table. A noter que celui-ci, qui a été peint rapidement au début de l’année 1872, et pour lequel nous ne disposons d’aucune esquisse préparatoire, peut très bien avoir été réalisé à partir de photographies, comme il est courant pour les portraits de groupe de l’époque – par exemple, pour Rimbaud, d’après le Carjat… Le degré d’idéalisation du tableau de Fantin peut être vérifié en comparant son portrait de Verlaine aux photos connues du poète. Je ne crois pas qu’on puisse affirmer que la ressemblance en soit supérieure aux photos retouchées de Berrichon. Paradoxalement, il se pourrait bien que la photo floue d’Aden soit la version la plus précise dont nous disposions de la physionomie de Rimbaud 😉

  28. Monsieur Gunthert,
    je me suis permis cette nuit de vous écrire d’un ton, j’en conviens, un peu léger au sujet d’une affaire que je considère comme sérieuse. Je vais donc ce soir après mon travail vous dire ce que je pense globalement de votre étude.

  29. Je vais laisser de côté cette photo retrouvée d’Aden, avec ou sans Rimbaud, mais après tous les développements ci-dessus, et si j’ai bien compris, on ne disposerait donc d’aucune photo du jeune Rimbaud qui nous montrerait son visage sans aucune retouches. Ou alors juste celle en écolier au milieu de sa classe.
    – le portrait en communiant : retouché par Berrichon
    – la première photo de Carjat : retouchée par Berrichon (pas énormément d’après ce que j’ai vu dans le Magazine Littéraire mais quand même…)
    – la deuxième photo de Carjat, la plus connue, celle de l’Icone démultipliée à l’infini par des anonymes et des artistes mondialement connus.
    Monsieur Gunthert pense qu’elle a subi de grosses retouches.
    Monsieur Bienvenu, pensez vous, comme cela est évoqué plus haut, que les deux photos de Carjat puissent avoir été prises le même jour (c’est ce que soutenait Berrichon) ?
    Et donc que cette photo aurait subi un véritable « lifting » photographique qui aurait laissé à la postérité un visage de Rimbaud qui en fait n’aurait jamais existé.
    Retouchée par qui ? Et quand ?
    Votre avis m’intéresse au plus au point.
    Celui de Monsieur Gunthert aussi.
    Car là, la photo d’Aden devient anecdotique, le mythe visualisé de Rimbaud ne serait qu’un leurre et la photo du poète qui a fait rêvé des milliers de lycéens découvrant son oeuvre ne serait que chimère.
    Troublant !

  30. @butterfly: « le mythe visualisé de Rimbaud ne serait qu’un leurre et la photo du poète qui a fait rêver des milliers de lycéens découvrant son oeuvre ne serait que chimère » C’est tout à fait la conclusion à laquelle conduisent les travaux de Lefrère (Face à Rimbaud, 2006) et le dernier article de Bienvenu.

    Concernant les deux photos de Carjat (ci-dessus n° 8 et 9), les tirages et négatifs photographiques ayant disparu, il est impossible de prouver formellement la retouche. Mais celle-ci peut être déduite du simple fait que les « originaux » qui nous sont connus sont des reproductions imprimées, publiées respectivement en 1906 et en 1922, et que la technique de similigravure de l’époque impose de retravailler le cliché à l’encre ou à la gouache pour rehausser le contraste. La retouche est donc dans tous les cas certaine – la question étant celle de son intensité. Bienvenu démontre que le portrait n° 8 a fait l’objet de retouches appuyées par Berrichon, et suppose, sans preuves, que c’est également le cas du n° 9. Mais de fait, si le n° 8 est altéré, alors c’est nécessairement aussi le cas du n° 9, qui porte les mêmes symptômes de raccourcissement du nez ou d’éclaircissement des cheveux.

    Les conclusions de Lefrère et Bienvenu divergent ensuite sur le portrait d’Aden. Pour ma part, je continue à penser (même si la ressemblance est le seul argument et que celui-ci, comme je l’ai dit, est un argument faible) qu’il s’agit bien de Rimbaud. Si tel est le cas, alors nous avons véritablement deux séries iconographiques distinctes, l’une mythologique, l’autre plus ressemblante, dont on peut par exemple observer les variations en dessin, peinture et photographie sur le blog Ex Libris.

    C’est avec le portrait d’Aden que cette seconde lignée, illustrée par exemple par l’étonnant portrait « sur nature » par Jef Rosman de 1873 ou le portrait peint par A. Garnier de 1872, qui semblait jusqu’à présent bizarre, devient parfaitement cohérente et permet de repenser de façon critique au Rimbaud idéalisé par Berrichon (mais aussi par Verlaine). Je trouve personnellement passionnante l’ensemble de cette histoire, avec ce qu’elle suppose d’élaboration mythologique et iconique dès la fin du XIXe siècle. Rimbaud, première icône pop de l’histoire littéraire? Je ne suis pas loin de le penser, et les questions dévoilées par cette découverte sont vertigineuses.

  31. Bonjour, je me présente. Je suis David Ducoffre, j’ai participé à l’identification de Lucereau qui était la grande idée de Jacques Bienvenu.
    Je tiens à préciser certains points.
    D’abord, la thèse de monsieur Gunthert était de donner une caution scientifique à une datation de la photo postérieure à 1883. Sans l’identification de Lucereau, cette thèse se serait imposée comme incontournable. La thèse de monsieur Gunthert s’appuie sur des déclarations de ressemblance dont on ne comprend pas le début du bon sens. Par exemple, en quoi le dessin 13 d’Isabelle Rimbaud ressemble soit aux photos connues de Rimbaud, soit au simple individu de la photo du Coin de table à Aden? On a aucun argument à se mettre sous la dent, juste une affirmation péremptoire.
    Maintenant, monsieur Gunthert qui ne connaît visiblement pas spécialement Rimbaud et son iconographie se lance dans une théorie sur la ressemblance du Rimbaud d’Aden avec des toiles sorties, en gros, de marchés aux puces parisiens après la Seconde Guerre Mondiale (Garnier et Rosman). Et monsieur Gunthert nous explique que la toile signée Fantin-Latour, vendue et diffusée par Berrichon du vivant de Fantin-Latour est sans doute médiocre (contre l’avis de Georges Duhamel soit dit en passant) et peut-être pas de Fantin-Latour. C’est cette toile-là qui doit être expertisée plutôt que celles des marchés aux puces parisiens. Tous les Rembrandt sont-ils aussi médiocres et à expertiser à nouveaux frais?
    J’en viens aux dessins d’Isabelle et à un dessin de Paterne Berrichon.
    Mais François Ruchon avait observé également une anomalie dans les dessins. Un dessin représentant Arthur de profil est accompagné par Ruchon de la légende « d’après un dessin d’Isabelle Rimbaud ». J’ai déjà dit que ce dessin de profil n’était pas possible. Berrichon n’a jamais vu Arthur vivant et donc de profil. J’avais dit que ce profil était le même que sur un dessin d’Isabelle de profil. Il me semble clair que François Ruchon ne dit pas autre chose. Il ne veut pas dire « d’après un dessin qu’aurait fait Isabelle », mais bien « d’après un dessin du profil d’Isabelle ».
    Pour la rigueur du débat, invitons déjà tout le monde à se reporter au livre de François Ruchon qui publie les photos en en signalant quelques-unes comme retouchées. Le cas le plus flagrant, c’est quand il montre l’état altéré et l’état retouché d’une célèbre photo africaine censée représenter Rimbaud.
    J’en viens aux dessins d’Isabelle concernant les derniers jours de Rimbaud. On sait aujourd’hui que l’un d’eux est un décalque d’un joueur de harpe dans un magazine. Le dessin publié dans la Revue blanche en 1897 présente à peu près le visage de ce joueur de harpe. C’est le dessin numéro 13 du dossier ci-dessus. Et évidemment, il n’y a aucune raison de prétendre que le dessin du joueur de harpe n’est pas le même pour la tête qui serait celle de Rimbaud. On observe seulement un changement de moustaches. Isabelle n’aimait pas celle du modèle et a son idée sur les moustaches, c’est tout.
    Enfin, tous ces dessins proposés par Isabelle sont fortement exotiques.
    Le seul qui ne l’est pas est censé représenter Arthur sur son lit et on voit que pour le coup Isabelle n’est pas douée pour le dessin.
    Pour le reste, aucun de ses dessins n’est fiable. D’abord, il se pose la question de sa compétence de dessinatrice, car il faut vraiment lui prêter des vertus miraculeuses pour prétendre que son dessin permet d’établir la suite logique de l’évolution des traits du visage de son frère. Ensuite, il y a le témoignage non négligeable de son courrier. J’en rends compte de mémoire, mais on pourra vérifier. Elle dit envoyer des portraits faits de mémoire à son futur mari. Par conséquent, il est assez comique de voir les gens aller chercher les traits de Rimbaud dans de tels dessins improbables, sachant que non seulement va peser la déformation de la mémoire, mais qu’un au moins est désormais identifié comme un faux. Isabelle a dessiné un abyssin sur un modèle de magazine et elle a laissé croire que c’était Rimbaud. Puisque Rimbaud est allé en Orient, n’importe quel portrait exotique peut décidément faire l’affaire.
    Or, cerise sur le gâteau, dans son courrier, elle envoie trois dessins à Berrichon faits de mémoire et voilà Berrichon qui lui répond pour celui qu’il trouve trop parfait (je cite de mémoire): « Ah non là ça ne va pas, vous avez voulu être trop perfectionniste, vous manquez la spontanéité ». Tout cela est du plus grand comique, mais moins que de voir comment les gens ont marché et ont cru identifier Arthur dans les dessins d’Isabelle.

  32. @ David Ducoffre: J’ai lu avec intérêt vos nombreux commentaires sur le forum Rimbaud. Vous n’avez visiblement pas accordé la même attention à mon modeste billet, puisque la « thèse » d’une « caution scientifique à une datation de la photo postérieure à 1883 » que vous m’attribuez est une extrapolation amusante sans rapport avec mon commentaire. Je l’ai dit et je le répète, puisque je n’ai pas eu accès aux originaux, n’importe quel lecteur au fait des usages académiques ne peut confondre ce compte rendu illustré avec une expertise à caractère scientifique. Pour le reste, je suis d’avis que chacun peut participer à un débat public, tant qu’il le fait de manière courtoise. Je vous remercie, à défaut de renouveler les arguments déjà exprimés sur le forum, d’en importer ici un abrégé (ce qui évitera à mes lecteurs des allers-retours fatigants) et de fournir un échantillon précieux à ma collection de symptômes. Mais de grâce, prenez un Tranxène, car que je sache, il n’y a pas mort d’homme, et la fièvre qui agite le forum Rimbaud peut causer quelque étonnement une fois sortie de son contexte.

  33. Je maintiens que n’importe qui qui lit votre article est invité à considérer comme acquis que la photo ne peut pas être antérieure à 1884. Vous n’avez pas mis en garde votre lecteur contre un risque d’extrapolation. Les gens qui ont lu votre article n’y ont consacré qu’une lecture en cinq minutes que je sache. Et en ce qui concerne l’iconographie rimbaldienne, vous n’êtes pas assez documenté.
    Je précise que les lettres échangées par Isabelle Rimbaud et Paterne Berrichon, au sujet des dessins, sont un peu antérieures à la publication de votre document numéro 13 dans la Revue blanche. Berrichon dit plus exactement que la naïveté est perdue et il donne le mot latin « nativitas » entre parenthèses. Cette correspondance entre Isabelle et Paterne nous apprend également en toutes lettres que les photos sont retouchées chez Lip(p)man(n). C’est écrit. Ainsi, on pourra corriger l’orthographe que je propose ici de mémoire.
    Pour les tableaux Rosman, Garnier et le récent lavis Forain, moi je trouve que le Garnier ne ressemble à rien, que le Rosman ressemble à la tête de la photo icône dont vous avez justement tenu à nous offrir une galerie de variantes et que le lavis Forain a l’air d’un hommage appuyé à cette gouache que vous trouvez médiocre.
    Enfin, je ne parlerai pas de la photo de Sottiro qu’on a longtemps crue une photo représentant Rimbaud avant de se rendre compte qu’il était question du portrait de Sottiro dans la correspondance Rimbaud et je rappellerai simplement que la carte postale rigolote de Rimbaud à Delahaye, il a fallu quelques décennies avant qu’un collectionneur ne la dénonce comme faux, en précisant un anachronisme patent à propos de cette série cartographique. Monsieur Jacques Bienvenu est en mesure de vous donner toutes les précisions nécessaires sur tous ces problèmes iconographiques. Faites-lui confiance.

  34. La malédiction de Rimbaud

    J’assiste depuis quelques semaines à tous ces débats sur l’iconographie de Rimbaud suscités par la découverte de la photo d’Aden où il figure potentiellement. Je trouve tout cela tout à fait passionnant. Mais il y a une chose qui me frappe : la plupart des intervenants, même qualifiés à divers titres, n’arrivent pas à tenir la longueur d’un article ou d’une note. Est-ce la malédiction de Rimbaud, qui empêche des gens pourtant sérieux et qualifiés dans leur domaine, de rester lucides ?

    Je m’explique.

    Pour accompagner leur découverte Jacques Desse et Jean-Jacques Lefrère publient un article dans Histoires Littéraires. C’est un article de bonne tenue, jusqu’à ce que Lefrère se mettent à délirer sur le bougé du visage et en déduise que « Rimbaud ( … ) refuse son intégration dans ce portrait ». On sait maintenant que Rimbaud, si c’est bien de lui qu’il s’agit et comme la photo, par la présence de Lucereau, à nécessairement été prise en 1880, venait tout juste d’arriver à Aden et découvrait ce groupe dans lequel il n’était pas encore intégré (un commentateur à même évoqué « un entretien d’embauche » !).

    Face à ce petit délire interprétatif de Lefrère, André Gunthert rédige une note fort intéressante expliquant d’une part que le flou n’est pas que sur le visage de Rimbaud, mais en fait sur toute la photo, et que ce flou s ‘explique probablement par la technique de l’époque (l’obturateur faisant trembler tout l’appareil). Explication probante, ensuite gâchée par l’affirmation péremptoire que la photo date de 1884 à 1886. Diantre ! Que voilà une fourchette précise, basée seulement sur des dates d’invention de procédés photographique ! Un raisonnement d’ailleurs vicié, car si une date d’invention peut permettre de dater un cliché au plus tôt (n’ayant pût être réalisé avant avec la technique en question) il ne permet absolument pas de dater au plus tard (puisque certains procédés sont utilisés bien après que des techniques plus performantes les aient remplacés : il y a bien eu des plaques de verre jusque dans les années 1960 !). Avant même de savoir que la fourchette était fausse (puisque Lucereau y figure, elle date nécessairement de 1880) cette faille dans le raisonnement de Gunthert était béante, et curieuse pour quelqu’un de son niveau.

    Il y a enfin l’article de Jacques Bienvenu dans le Magazine Littéraire. Un article fort intéressant, passionnant même, qui nous apprend que Berrichon a truqué dessins et photos, et qu’on ne connaît pas d’original de la photo de Carjat, publiée en premier par…Berrichon, et sur laquelle par conséquent il est permis d’avoir un gros doute !!! Article formidable donc, jusqu’à ce que Bienvenu (comme l’a remarqué aussi André Gunthert, voir plus haut) ne se prenne soudainement de passion pour un portrait exalté (d’autres ont dit « mièvre ») du poète par Fantin-Latour !!! Et dans un raisonnement assez fumeux, instantanément moqué partout (cf Jacques Desse : « est-ce le dernier critère d’authenticité, l’esthétisme ? ») il en vient à écrire que ce portrait est certainement l’image la plus ressemblante du poète !!! Voilà une affirmation de fin d’article qui, tout comme le délire de Lefrère sur le bougé, tout comme l’affirmation de Gunthert sur 1884-1886, vient un peu, beaucoup, ruiner l’ensemble de l’article !!

    Or, toutes les personnes citées ci-dessus sont fort compétentes dans leur domaine. Il faut donc croire qu’il y a une malédiction Rimbaud qui les empêche de rester sérieux et concentrés de bout en bout.

    De tout cela, je retire qu’il faut poursuivre le débat et les recherches, et qu’il faudra bien un jour en faire une synthèse, en ne retenant que le meilleur, et uniquement le meilleur, de chacun des contributeurs.

    Vite, un colloque, un symposium, sur l’iconographie Rimbaud ! (André, vous vous y mettez ?)

    Charles Martin.

  35. Monsieur Charles Martin, savez-vous lire?
    Cette gouache n’était pas suspecte au vingtième siècle et pour ma part je la trouve superbe, j’irai jusqu’à dire qu’elle n’est peut-être pas une répétition, mais qu’elle pourrait carrément s’avérer l’esquisse utilisée pour le Coin de table, hypothèse déjà soulevée par les rimbaldiens bien avant la remise en cause de cette attribution vers l’an 2000.
    Cette attribution a été remise en cause sur des arguments que remet facilement en cause l’article de Bienvenu.
    Le mot « répétition » a un sens précis « copie d’une oeuvre par l’auteur lui-même ». Donc cela suppose que Berrichon nous dit une première fois que ce tableau est de Fantin-Latour.
    Berrichon a dit une autre fois que le tableau était de Fantin-Latour. C’est écrit sur la couverture du livre.
    Le tableau est signé « Fantin-Latour », artiste encore en vie en 1898.
    Enfin, depuis quand les catalogues des oeuvres d’un peintre sont exhaustifs à tout coup? Madame Fantin-Latour n’a pas référencé cette oeuvre, cela ne permet pas de prétendre que, par conséquent, l’oeuvre n’est pas de Fantin-Latour.
    Voilà ce qui serait une réfutation fumeuse. Eh ben…

  36. @ Charles Martin: Votre remarque est pleine de bon sens et d’humour. C’est Desse qui m’a reproché de « tirer trop vite » – oubliant que je n’étais pas celui qui avait sorti mon 6 coups le premier 😉 Je suis tout à fait prêt à admettre que ce billet est, au moins partiellement, le fruit d’un mouvement d’humeur face à une interprétation que je savais fantaisiste des sentiments de Rimbaud (ou « Rimbaud », à votre guise). Bienvenu a lui aussi expliqué que la publication de son article avait été accélérée par le débat récent. Bref, ne cherchons pas plus loin: c’est la faute d’internet!

    Peut-être bien. Et en même temps, quelle fabuleuse accélération de la circulation d’informations! Un colloque? Mais ne voyez-vous pas qu’il a lieu, sous nos yeux, accessible à tous – et qu’il n’est pas fini? Ce séminaire permanent, c’est bien au web, au forum Rimbaud, et aux blogs que nous le devons. Il faut s’y faire: nous sommes en plein laboratoire des nouvelles façons de produire la connaissance, et franchement, je suis honoré d’avoir l’occasion de participer à la fête!

    Car tous ces points de discussion que vous relevez, ces erreurs ou ces dérapages, n’ont en réalité rien d’effrayant pour le chercheur que je suis. Il n’y a que les ignares pour croire que la science ressemble à un tableau de résultats des courses après l’arrivée. Etre un savant, c’est participer en permanence à une discussion souvent vive, s’interroger, changer d’hypothèse, confronter ses résultats, se remettre en cause à chaque instant. Eh oui, on peut se tromper, la belle affaire! Je me suis trompé plusieurs fois, je n’ai pas peur de le dire, car j’ai aussi quelques découvertes à mon actif, et je sais que je n’y serais jamais arrivé si je n’avais pas couru le risque de l’erreur. La vraie science est vivante et les zigs-zags que vous avez observé sont les traces de cette respiration.

    Pouvoir observer l’échange en temps réel suppose d’admettre qu’il y a des balles perdues, et aussi d’avoir la patience d’attendre la fin du match. Le débat n’est pas clos. Lorsqu’il se conclura, après la prise en compte de tous les arguments, faites-moi confiance, on aura pas mal avancé, pour la satisfaction du plus grand nombre.

  37. Monsieur Gunthert, j’ai ecrit le texte ci-dessous avant de lire toute votre réponse !! Je le publie quand même tel qu’il était préparé avant que je ne lise vos deux derniers paragraphes avec lesquels il est un peu redondant, et avec lesquels aussi je suis totalement en accord.
    ——–
    Si je le vois bien que le colloque se déroule en se moment. Au delà de ce qu’on pourrait appeller l’ « Affaire Rimbaud » (je crains d’ailleurs que cette appellation ne soit déja prise) je me disais qu’il y avait certainement un sujet de reflexion (vous l’avez vous aussi senti)sur la façon dont Internet a accéleré les recherches. Aprés avoir fait des recherches plus ou moins secrètes pendant deux ans sans avoir réellement identifié qui que ce soit sur la photo, en quelques jours aprés sa publication, grace a des descendants, grace aussi à « l’intelligence collective » des forumeurs, certains personnages sont identifiés, des pistes sont explorés, des polémiques sont résumées et synhtétisées. J’en viens à me dire que les découvreurs aurait mieux fait, rusant au besoin (c’est à dire masquant Rimbaud sur le cliché ou donnant une fausse piste, parlant seulement d’identifier l’ entourage) de faire appel à ces contributions plus tôt, cela leur aurait évité un article dans Histoire Littéraire qui restera comme l’ article des découvreurs mais dont certaines affirmations sont déja aujourd’hui, à peine trois semaines plus tard, contreprouvées. Une belle leçon d’humilité !

    Dites-donc Ducoffre il a l’air un peu grave, lui.

  38. Dans la série, monsieur Charles Martin, sait-il lire?, je le cite: selon lui, monsieur Bienvenu, dans Le Magazine littéraire, « en vient à écrire que ce portrait est certainement l’image la plus ressemblante du poète !!! »

    Voici la dernière phrase de l’article: « Ce dernier portrait appartient aux images mythiques certes, mais il a l’avantage d’être authentique. »
    Il est clair que monsieur Bienvenu ne parle pas de la ressemblance, mais de l’authenticité du tableau qui est bien un Fantin-Latour.
    Reste à déterminer si cette gouache est bien une répétition (copie d’une oeuvre par l’auteur lui-même) ou si elle n’est pas l’esquisse utilisée par l’artiste pour concevoir ensuite son Coin de table. La vraisemblance penche pour cette dernière possibilité. On ne voit pas pourquoi Fantin-Latour aurait signé de « 72 » une répétition. On ne voit pas pourquoi Fantin-Latour aurait peint directement Rimbaud au milieu d’un groupe, puis seulement isolément. On ne voit pas pourquoi Fantin-Latour aurait trouvé un intérêt particulier à ce jeune inconnu en 72.
    Bref, ce tableau de Fantin-Latour est peut-être la seule toile pour laquelle ait jamais posé Rimbaud. On devine alors toute l’énormité fumeuse de la réaction de monsieur Charles Martin.

  39. Ducoffre n’en manque pas. On peut peut-être s’improviser rimbaldologue, mais certainement pas historien d’art. Nos détectives amateurs semblent penser qu’ils sont les meilleurs juges de l’iconographie rimbaldienne parce qu’ils savent réciter par coeur les versets de la correspondance. Un spécialiste d’histoire visuelle, lui, a conscience que l’allusion écrite à une retouche ne suffit nullement à en décrire la nature. Pour constater si elle était à la gouache ou au crayon, sur tirage ou sur négatif, et ce qu’elle a effectivement modifié d’un visage, l’examen des originaux est un impératif sans lequel la discussion se borne à un échange de spéculations.

    « On ne voit pas pourquoi », répète drôlement Ducoffre. Et en effet, sa vision semble singulièrement obscurcie. Passons sur le rapprochement de Fantin et Rembrandt, qui laisse pensif, ou sur sa remise en cause du dessin d’Isabelle Rimbaud, où l’on admire la sûreté de la méthode – puisque le dessin critiqué n’est pas celui reproduit ci-dessus, mais un autre auquel je ne me réfère pas…

    « Isabelle n’aimait pas celle du modèle et a son idée sur les moustaches, c’est tout », tranche le critique d’art (capillaire). Tous ces dessins « improbables » ne sont-ils pas « exotiques », comprenons indifférenciés, un peu comme les personnages chinois dans Tintin?

    L’appréciation portée sur la valeur des documents issus des « marchés aux puces » est tout aussi amusante. On suggère à Ducoffre de se promener plus souvent à Drouot. Il découvrira avec horreur que les conservateurs de musée comptent parmi les clients les plus réguliers des ventes, et qu’un nombre considérable d’oeuvres qui finissent sur une cimaise ont des origines un peu métèques.

    Et voilà bien le fond du problème. Ces donneurs de leçons qui m’expliquent dans quel sens je dois regarder une image ont-ils conscience d’être les jouets d’un jugement de goût qui prédétermine tous leurs commentaires? Ce n’est pas parce que le portrait attribué à Fantin serait authentique qu’il est considéré par nos historiens en herbe comme une preuve solide susceptible de documenter le débat, mais bien parce qu’on trouve «magnifique» (sic) une icône conforme au mythe qu’on va manipuler le raisonnement, en tentant de faire passer pour une esquisse préalable ce qui est décrit par un contemporain comme une copie a posteriori. C’est Paterne Berrichon, propriétaire du tableau et accessoirement peintre et sculpteur (ce qui donne quelque poids au choix des termes) qui qualifie l’oeuvre de « répétition à la gouache ». Pour rester dans l’argumentation préférée de Ducoffre, « on ne voit pas pourquoi » l’heureux possesseur d’une esquisse de Fantin la décrirait comme une copie, à plus forte raison après le décès du modèle, car la nature de ce document en ferait évidemment une archive précieuse.

    Cette appréciation à géométrie variable des documents, qu’on brandit quand ils vont dans le sens que l’on souhaite, mais qu’on écarte lorsqu’ils risquent de contredire la doctrine est une attitude qui n’a rien à voir avec la science, et tout avec le parti-pris. On souhaite à nos débatteurs de savoir revenir à une méthode plus convaincante.

  40. Ce qui me frappe dans ces échanges c’est l’importance accordée à une simple photographie qui, fût-elle ou non une image de Rimbaud, ne changerait rien à ses vers ni à leur intérêt strictement littéraire… Nous sommes ici loin de son oeuvre et de son talent et pleinement dans l’histoire culturelle, celle de la Littérature et de sa capacité à fabriquer des mythes.
    Flaubert a forgé dans sa correspondance et à travers sa passion pour St Antoine, le mythe de l’écrivain-moine (l’ermite de Croisset) et sacralisé l’écriture comme mode de vie et voie de salut dans un monde désenchanté… il aura beaucoup de successeurs… sa correspondance sera la bible du romancier moderne et sa figure celle d’un saint.
    Rimbaud incarne dans sa vie la fin de l’idéal de la bohème artistique du XIX ème s. et sa cristallisation dans un mythe. L’artiste absolu qui renonce à son talent et fait ainsi de sa vie une production mystérieuse, réification de la vie d’artiste maudit, sacrifié aux valeurs du commerce, qui servira de modèle à d’autres…

    Ses faits et gestes ultérieurs à son renoncement n’appartiennent plus à l’hagiographie littéraire, si ce n’est sous forme d’un bref énoncé : « et il devint commerçant ». A partir de là les images (photos qui plus est) deviennent troublantes pour ceux qui admirent le saint, et il faut préserver un certain mystère, en réserver l’accès aux initiés, car cette image risquerait de désacraliser la figure de l’enfant poète (qui a elle-même manifestement été « fabriquée » ou tout au moins exaltée et amplifiée par ses premiers admirateurs-pygmalion).

    Ce qui se joue peut-être ici, c’est la mise en évidence de la manière dont se construit la figure d’un auteur dans le champ de la culture occidentale… par une image incarnant un mythe ! Comme dans l’hagiographie chrétienne… Et le rapport idolâtrique qu’elle suscite…

    Le reste (et c’est pourtant l’essentiel) n’est que littérature…

  41. @ Olivier: j’ajouterais
    Quelle est la nécessité du mythe pour porter la création? A quoi répond-elle?
    et
    De déconstruire les discours culturels sur lesquels reposent en partie nos idoles ne permettrait-il pas de mieux les aimer?
    au contraire de reproches faits à certains historiens de la photographie (par exemple;) ), de ne point aimer les images puisqu’ils nuançaient le récit sur les hommes (photographes, éditeurs, rédacteurs en chef, critiques, historiens etc.)… ??

  42. Monsieur Gunthert, que ce soit pour les études rimbaldiennes ou pour l’histoire de l’art, il convient d’être documenté. Je passe sur le jeu de mots sur mon nom, sur le tranxène, et sur la remarque que vous n’avez pas modéré selon laquelle je serais « grave ». Je m’en tiens aux arguments et je remarque que vous faites erreur. Je parle du joueur de harpe qui est l’illustration de ce qu’aucun dessin d’Isabelle ne saurait être fiable, y compris le dessin que vous proposez sous le numéro 13 qui coïncide avec la tête du joueur de harpe. Je crois avoir signalé plus haut que, dans la correspondance entre Paterne Berrichon et Isabelle Rimbaud, on apprend que ces dessins sont prétendus « faits de mémoire », qu’ils sont trop soignés pour avoir la touche vraie de la « naïveté (nativitas) ».
    Ces dessins ne sont pas fiables. C’est un premier point acquis. Et ces dessins représentent des personnes d’Afrique Orientale. C’est le cas du joueur de harpe et on ne nous aurait pas présentés ces dessins comme représentant Rimbaud, tout le monde en conviendrait spontanément.
    Le dessin de Berrichon représentant le profil d’Arthur j’ose croire que vous ne mettez pas en doute qu’il soit fait d’après le dessin d’un profil d’Isabelle Rimbaud. De toute façon, cela ne concerne pas votre article.
    Les photos de Rimbaud ont été retouchées pour l’essentiel, vous en convenez désormais, et vous pouvez vous reporter au livre de François Ruchon comme à l’article de Jacques Bienvenu dans le Magazine littéraire.
    Enfin, pour les toiles censées représenter Rimbaud, il en est deux qui sont authentiques, il s’agit des deux Fantin-Latour, le Coin de table et la gouache. Les arguments pour la gouache vous échappent, peu importe. Fantin-Latour n’est pas Rembrandt, certes. Fantin-Latour n’est pas spécialement l’un des plus grands peintres français du XIXe, mais soyez-sûr qu’il n’est pas Berrichon.
    Maintenant, je ne crois pas que Rimbaud ait jamais posé pour Jef Rosman, pour ce Garnier, ni pour Forain. Le Jef Rosman n’est qu’une variation sur les célèbres photos Carjat, ce qui aurait été dans votre sujet. Ce Rosman a sa place d’office dans la galerie d’icônes que vous nous présentez comme des variations inspirées par une photo.
    Le lavis Forain s’inspire de la chevelure des deux tableaux de Fantin-Latour. Là encore, vous teniez votre sujet. En revanche, le Garnier a bien les cheveux courts pour un tableau contemporain du Coin de table, sachant que les dessins d’époque, par exemple Félix Régazmey croquant l’arrivée de Rimbaud et Verlaine en Angleterre, confirme cette présence des cheveux longs.
    Enfin, je ne vois pas comment Rimbaud aurait pu avoir perdu toutes ses illusions en mai 72, comme le dit Jean-Jacques Lefrère en commentant ce tableau, car il est à ce moment-là très vrai que Rimbaud n’a pas encore écrit l’ensemble dit des Derniers vers, Une saison en enfer, les Illuminations.

  43. A Olivier Beuvelet : je pense qu’il y a peut-être une erreur dans votre raisonnement.

    Vous vous étonnez de l’importance accordée à la photo dans les échanges sur le blog d’André Gunthert : mais êtes vous bien sur que cela soit la photo en elle-même qui passionne ici les foules ? Toutes les personnes qui interviennent sur ce blog ne sont pas toutes assez bêtes pour attacher une trop grande importance au cliché proprement dit, ce qui ne les empêche pas d’être passionnées par le débat qui l’entoure.

    Moi, par exemple, je n’y accorde pas une grande importance en tant que document parce que je connais déjà Rimbaud (un peu), parce que je sais à quoi ressemble un colon à Aden en 1880 (beaucoup – je suis historien (amateur) des colonies), et parce que je pense qu’une photo, quelque soit sa qualité, de 1880 ne nous apprendra pas grand-chose sur le poète à sa période productive (je pense donc, comme vous, que cette photo n’a rien à voir avec son talent).

    Plus que le cliché lui-même, qui vrai ou faux ne m’apporte pas grand chose, c’est l’histoire de ce tirage et le débat qui l’entoure qui me passionne, un peu à la manière d’un bon roman policier (il est question d’enquête, de preuves, de comparaison anthropomorphiques, de techniques photographiques, d’explorateurs et de leurs descendants, de pays lointains, …).

    Et cela tombe bien, puisqu’on est justement ici dans un blog consacré à l’histoire et à l’usage de la photographie.

    Les pyramides ont eu d’impact sur notre vie quotidienne, ce qui n’empêche pas que le mystère de la grande pyramide continue à passionner les foules.

    Le jeu social qui se met en place entre les différents intervenants, avec les experts convaincants-mais-jamais-jusqu’au bout (voir mon intervention plus haut), les seconds couteaux hargneux (Ducoffre), les chercheurs amateurs, est tout à fait intéressant à observer. Vous avez pû remarquer d’ailleurs comment certains ennemis d’hier se rapprochent (Lefrère et Bienvenu) alors que d’autres continuent à s’invectiver tandis que les amis d’hier (Desse et Lefrère) semblent en voie de se séparer (Desse moquant le « positivisme » de Lefèvre..).

    Charles Martin.

  44. Charles Martin

    Petite précision : c’est précisément parce que M. Lefrère a cette réputation de « positiviste » que nous l’avons contacté, plutôt que d’autres rimbaldiens, dont certains très intéressants, mais plus « artistes ». Il suffit d’ailleurs de lire sa biographie de Rimbaud pour comprendre ce qui le distingue.

    Et, après quelques mois de travail en collaboration avec lui, je peux vous dire que nous sommes très heureux de ne pas nous être trompés de contact.

  45. @ Audrey,

    « Quelle est la nécessité du mythe pour porter la création ? A quoi répond-elle ? »

    Belle et vaste question… Je crois, pour faire court, que c’est une question d’authentification et de légitimation des textes (et des oeuvres en général) dans un champ artistique prenant son autonomie au cours du XIX ème siècle… La sanction du marché (succès/échec) ne témoigne pas de la valeur intrinsèque des oeuvres, cette valeur vient de la reconnaissance par les autres (eux-mêmes déjà reconnus) de la qualité « littéraire » du texte. Or cette valeur ne repose sur aucun critère objectif, ou plutôt, ces critères sont fluctuants, et c’est la qualité « littéraire » de l’auteur qui sanctifie son oeuvre. Je crois qu’après la Révolution française, le champ littéraire a pris en charge une bonne partie du « mystère » et de la religiosité qu’il induit, la poésie est devenue une sorte de mystique du Verbe en remplacement d’un catholicisme qui perdait de ses feux et des structures symboliques qui le fondaient… C’est « le temps des prophètes » (Bénichou)… Toute une mythologie chrétienne de la passion de l’écriture se développe à l’appui des oeuvres, avec ses formes et ses figures, martyrs (Nerval, Baudelaire, Verlaine…), saints (Hugo), moines (Flaubert), apostats (Rimbaud)… Il faut croire en la littérature !
    La littérature se vit alors comme une religion de l’écriture et exige un sacrifice (sous une forme ou une autre) de la part des auteurs… Proust, Kafka, Joyce, Pessoa… qui atteste de leur sainteté littéraire…
    Bien que le marché a pris le pas sur la « littérarité » dans le champ littéraire aujourd’hui, en France, on sent que cette mythologie est encore vive à travers le succès critique d’un Houellebecq, par exemple, qui porte à la télévision les stigmates névrotiques de son martyr …
    D’autres plus discrets, comme Michon, Quignard, Juliet sont eux, en dehors du spectacle, dans un culte plus secret de l’écriture, mais c’est justement leur position ascétique ou dévote qui donne de la valeur littéraire à leurs oeuvres, au-delà de l’intérêt humain que présente leur texte. Le journal de Juliet est un magnifique exemple de cette foi en l’écriture et c’est aussi un magnifique témoignage humain.
    Je ne sais pas comment exactement, mais cette histoire de photo de Rimbaud infidèle à l’icône nous met directement face aux arcanes de cet imaginaire littéraire. On a fabriqué Rimbaud ! Mais le vrai Rimbaud existe quand même et ce n’est qu’un homme.
    Enfin, « déconstruire les discours culturels sur lesquels reposent en partie nos idoles ne permettrait-il pas de mieux les aimer? »… Tout à fait d’accord, parce que c’est revenir à l’homme de chair, qui est comme chacun de nous…
    Et ça c’est l’avenir…

    @ Martin,

    Mon étonnement était un moyen d’amener ma remarque… je sais bien que ce qui pose problème, c’est l’apostasie de Rimbaud. Voir Rimbaud, le prince des poètes, en simple quidam à la recherche d’un boulot… J’avais lu, dans une expo sur Verlaine à la BHVP, une lettre de motivation du poète pour solliciter un emploi administratif… prose plate et vaseuse comme chacun peut en faire … Elle était sous une cloche de verre comme une relique… L’interprétation de la photo de Rimbaud par Lefrère témoigne de cette difficulté à accepter le renoncement de Rimbaud et sa simple humanité… Cette photo ne peut exister que si Rimbaud bouge, refuse d’être « assis » et se sent mal à l’aise en cette compagnie… C’est ça qui est intéressant !

  46. «Si nous avons évoqué la présence de ce Révoil à Aden, en ce mois d’août 1880, c’est parce que, le 28 du même mois, il écrivait de là à Henri Duveyrier, secrétaire de la Société de géographie de Paris, qu’il « se félicit[ait] beaucoup de l’emploi du gélatino-bromure de M. Rigault [sic], de Marseille ».»

    Jean-Jacques Lefrère publie aujourd’hui une authentification de la photo d’Aden, avec des informations qui confirment les hypothèses que je formulais ci-dessus à partir de l’examen visuel du scan : « Aden, août 1880. Arthur Rimbaud et ses compagnons de L’Univers »:
    http://bibliobs.nouvelobs.com/20100605/19914/aden-aout-1880-arthur-rimbaud-et-ses-compagnons-de-lunivers

  47. Je vois que vous n’avez pas compris ma démonstration, puisque vous n’en retenez que le millésime. La proposition que je fais est de se servir des informations techniques pour préciser la datation de l’image (au moment où ce billet est publié, le 15 mai, la fourchette proposée par les découvreurs est encore de 1880-1890). Ce type de datation ne peut pas être précis au mois près, comme celle qu’a permis d’établir les comparaisons d’agenda des protagonistes. La photo d’Aden constitue un exemple remarquablement précoce du procédé, ce qui explique l’écart avec ma fourchette, qui correspond à la probabilité moyenne. Il est vraisemblable qu’un examen de l’original m’aurait permis d’être plus précis. Toutes choses égales, il est plutôt remarquable d’avoir fourni une indication aussi proche de la bonne date sans avoir eu l’original entre les mains.

    Je vais peut-être vous surprendre, mais il n’y a pas toujours sur une photographie un personnage qui décède dans l’année – ce qui est évidemment une coïncidence pratique pour dater un document. Dans les autres cas, l’analyse par les caractéristiques techniques est une approche recommandée, que je n’ai fait qu’appliquer de la façon la plus classique. Je suis heureux de voir que mes conjectures ont pu contribuer à l’authentification d’un document aussi intéressant.

  48. Une authentification définitive pas si définitive !

    Monsieur Lefrère vient de publier un article « Aden, août 1880: Arthur Rimbaud et ses compagnons de «L’Univers » » dans le Nouvels Obs

    Voila enfin une enquête sérieuse, beaucoup plus en tout cas que l’article originel d’Histoires Littéraires (Monsieur Lefrère s’est calmé sur la surinterprétation des postures).

    La démonstration est convaincante, et je suis bien personnellement convaincu qu’il s’agit bien de Rimbaud, mais cela n’empêche qu’à nouveau il n’y ait plusieurs faiblesses et erreurs de raisonnement (sans conséquence sur le résultat, mais quand même) : pour un esprit scientifique comme le mien, ces erreurs de logiques sont pénibles. Etudions-les.

    Lorsque que Lefrère écrit « L’identification de Lucereau sur la photographie est une grande chance, car elle permet de dater la photographie, de manière absolue, de 1880 » il se trompe, puisque quelques lignes plus haut il écrit que Lucereau arrive a Aden en 1879 ; la phrase correcte serait donc, à ce moment là de l’article « L’identification de Lucereau sur la photographie est une grande chance, car elle permet de dater la photographie, de manière absolue, entre Octobre 1879 à Aout 1880 ».

    De même, il manque ici le rappel de la date de l’invention du gélatino-bromure d’argent. La partie sur le cliché trop clair n’est pas convaincante : de toute façon on peut rater des clichés même avec une technique mature, combien de photographes amateurs n’ont –ils pas surexposés un jour ou l’autre une de leur photos ? Pour que ce point fasse sens, il faudrait trouver un ensemble de photo de la même séance pour pouvoir en déduire quelque chose de plus affirmatif. Quelques lignes plus bas on apprend qu’à cette époque les marchands de province vantaient déjà leurs plaques au gélatino-bromure dans leurs réclames…Tout cela n’empêche pas, effectivement, que Revoil soit un (très) bon candidat pour l’auteur du cliché, mais c’est, à ce stade, de la pure spéculation.

    En incidente je note ici un point qui m’épate : on ne sait quasiment rien des autres photos d’Aden trouvées par Desse dans le même lot, ces autres photos n’auraient-elles pas permis d’apporter quelques précisons ? Que représentent-elles ? Est-ce un ensemble cohérent ? Sont-elles datables ? Sont-elles aussi surexposées ?…

    [Question : pourquoi nulle part on ne compare avec la photo anciennement dans la collection Pierre Leroy ?]

    Il y a aussi le paragraphe qui débute par « Revenons aux personnages figurant sur la photographie » et dont l’objet est précisément de nous entretenir de Alfred Bardey, qui n’y figure pas…pas très grave, mais drôle de logique (pas un mot sur les archives Bardey qui vont êtres dévoilées le 11 juin..). Par contre, nous ne savons pas où en est l’identification formelle des Bidault de Glatigné par leurs descendants (même si tout colle parfaitement) – en fait des lignes semblent avoir sauté, ou au minimum une phrase avoir été coupée, à la composition. On apprend que Bidault s’était lancé dans la photographie dés son arrivée à Aden quelques années plus tôt : ne serait-il pas lui aussi un bon candidat auteur de cette photo ci ? Hypothèse absolument non étudiée, même pour la réfuter…

    Il semble y avoir une pique envers Bienvenu (« qui a étudié attentivement, et sur un tirage original, la célèbre photographie prise par Étienne Carjat ? »), faut-il en déduire qu’il y a bien un tirage original de Carjat en circulation ? Si oui, Monsieur Lefrère, précipitez-vous, faites-nous une fiche !

    Enfin, à ma grande surprise, je note qu’il n’y a RIEN dans cet article qui vienne renforcer la thèse Rimbaud : sur ce sujet précis, nous n’apprenons absolument rien, et je suis très surpris du commentaire d’André Gunthert (que j’espérais plus rigoureux) annonçant que « Jean-Jacques Lefrère publie aujourd’hui une authentification définitive de la photo d’Aden » : c’est, à mon avis, loin d’être le cas ! C’est une avancée importante dans la bonne direction, ce sont des hypothèses séduisantes et qui s’emboitent, mais absolument rien qui ne prouve plus qu’avant que le personnage assis à la droite soit bien notre Arthur. Sur ce point précis, Lefrère nous renvoi à…l’article d’Histoires Littéraires !

    Ce que fait Lefrère dans son article c’est vérifier que son hypothèse est plausible, que tous les éléments connus ou probables cadrent avec (ce qui est vrai). Mais pour être définitif, pour clore le « procès » de cette photographie, il manque (totalement) l’autre partie : montrer, prouver, que les autres hypothèses envisageables ne tiennent pas.

    [Bizarrement, au dernier moment, il se tire une balle dans le pied en écrivant « nous remarquons que le portrait retrouvé présente bien plus de similitude avec les portraits de jeunesse qu’avec les autres photographies connues de l’adulte »… hou là ! Lefrère veut utiliser ça pour montrer que l’authentification est souvent subjective (sous-entendant que personne n’aurait accepté les photos du Harar comme représentant Rimbaud si on n’était certain de leur authenticité) mais ce faisant il ouvre grand la porte à une autre explication : il y avait peut-être bien d’autres explorateurs que Rimbaud de passage à Aden entre octobre 1879 et Aout 1880, qui auraient pût tout aussi bien figurer sur cette photo…)]

    [On notera, sans insister – le droit à l’erreur existe – que Lefrère termine son article en nous expliquant maintenant « qu’on ne peut en vouloir à Rimbaud, (…) de n’avoir pas posé devant le photographe comme un poète, ni même comme un ancien poète » alors qu’il nous expliquait dans Histoires Littéraires que Rimbaud avait posé « en refusant son intégration à ce groupe »… mon but ici n’est pas de tirer sur une ambulance, Lefrère sera poursuivi toute sa vie par ses phrases malheureuses qu’il doit déjà fort regretter, mais simplement de montrer que la subjectivité existe et qu’on peut faire dire ce que l’on veut à cette photographie en fonction de ses préjugés….]

    Prenez le temps de relire calmement l’article de Lefrère : vous verrez que dans sa construction, dans son déroulé, tout part du présupposé qu’il s’agit bien de Rimbaud à droite (d’ailleurs Lefrère écrit « En définitive, seuls deux personnages de la photographie s’obstinent encore à garder pleinement le mystère de leur identité » ce qui signifie clairement que pour lui le mystère de l’homme de droite est déjà résolu). C’est là une faille sidérale dans le raisonnement (à moins de reconnaître, d’assumer, sa propre subjectivité).

    Et, le serpent se mordant la queue, Lefrère termine par « Avant de connaître la date exacte de la photographie du coin de table d’Aden »…Moi personnellement, de tout son article, je retiens que si on ne fait pas à priori l’hypothèse que Rimbaud figure sur la photo, la date exacte se situe entre octobre 1879 et aout 1880, et que si l’authentification Bidault de Glatigné se confirme, alors nous sommes bien quelque part en été 1880. De là à dire date exacte…qu’est-ce qui empêche, avec tous les arguments développés plus haut, que cette photo n’ait été faites quelque jours avant l’arrivée de Rimbaud à Aden et qu’un autre explorateur européen n’y figure ?

    Et cela me fait penser qu’il n’existe pas, dans les revues grand public comme le Nouvel Obs, de comité de lecture comme il en existe pour les revues scientifiques comme Nature, où les contributions sont normalement sévèrement relues avant publication, et que c’est bien dommage.

    Charles Martin.

  49. Il se passe une chose bizarre : l’article de Lefrère titré « « Aden, août 1880: Arthur Rimbaud et ses compagnons de «L’Univers » » » et publié dans le Nouvel Obs est maintenant dans l’ Express sous le titre « La photographie de Rimbaud authentifiée », et le lien donné plus haut par André Gunthert (et pointant bien vers le Nouvel Obs) ne fonctionne plus !?! Faut-il en déduire que le Nouvel Obs avait quelque temps piraté son confrère et retitré l’ article ???!!!?? Ou que Lefrère avait envoyé l’article aux deux journaux avant de se mettre d’accord sur les aspects financiers ???

    On pourra au passage lire avec profit les commentaires des lecteurs de l’Express sur cet article : on verra le gouffre qui sépare les réactions d’un public facile avec celles publiées par divers commentateurs sur le présent blog : dans l’ Express on a des réactions du type « j ai adoré », « c’était sublime » et autres du même acabit mais, à l’heure ou j’écris ces lignes, absolument aucune, aucune critique constructive ni demande de précision ou ajout d’information…On pouvait s’en douter, mais je ne croyais pas que le segmentation des publics était à ce point caricaturale. (ce pourrait être un sujet de sociologie : les réactions face a l’histoire de la photo d’ Aden selon le média considéré..).

    Charles Martin.

  50. Cette photographie a été prise en mai 1880 par le photographe Bidault de Glatigné qui figure sur celle-ci à côté de sa femme. Une photo similaire avec les mêmes personnages est en possession des héritiers de M. César Tian. Les noms des personnages et la date du document sont donnés au crayon au dos de cette autre photographie.

  51. Les Bidault de Glatigné se sont mariés le 19 mai 1878. Cette photographie célèbre leurs deux ans de mariage. Alfred Bardey et Daniel Pinchard sont-ils sur la photo?

  52. Ces « nouvelles informations » sont distillées sur différents sites et sous des pseudonymes divers depuis ce matin, samedi, 5 h.

    L’homme à côté de Mme Bidault de Glatigné n’est pas son mari.

    S’il s’agit là d’une nouvelle tentative de désinformation, elle recevra de notre part la suite qui convient.

    Jacques Desse, libraire

  53. Je me permets de rappeler à certaines personnes ici présentes que l’atteinte aux intérêts financiers d’une personne n’est en aucun cas une diffamation.

    Par ailleurs, pour qu’il y ait une diffamation, il faut une imputation, à une personne identifiée ou identifiable, d’un fait précis susceptible de faire l’objet d’une preuve contraire. C’est ce qui distingue fondamentalement la diffamation de la simple opinion et du jugement de valeur (par exemple, un jugement sur les compétences d’une personne).

    Que les informations « distillées » sur Internet concernant cette photographie soient vraies ou non, elles relèvent d’un débat sur une photographie dont nul n’a la maîtrise et/ou le monopole. Au passage, la désinformation n’est, en soi, pas un délit. C’est seulement lorsque cette désinformation comporte un abus (injure, diffamation, atteinte à la vie privée) qu’elle devient condamnable.

    Les pressions exercées par certaines personnes à des fins purement financières sont tout simplement inadmissibles.

    Que cela soit sû.

  54. Hum…anniversaire de mariage des Bidault, celui-ci étant à coté de sa femme ? Disons que ca ne cadre pas vraiment avec la « psychologie » de cette photographie : pour l’anniversaire de leur mariage les époux auraient été relégués respectivement sur le coté et au deuxième plan du cliché ? Curieux, (mais pas impossible – ce en serait alors pas une photo de l’anniversaire de mariage, mais une photo prise a l’occasion de ce rassemblement).

    On devrait vite savoir, ne reste qu’a publier la photo des héritiers Tian si elle existe (et a s’assurer qu’il ne s’agit pas d’un faux forgé dans l’urgence, ce que personne n’espère mais sera immanquablement soulevé).

    Par ailleurs, le ton de Mr Desse est inacceptable : je me permettrai de lui rappeler qu’une grande partie des informations qu’il a publiées dans Histoires Littéraires sont aujourd’hui mises en défaut (ah Rimbaud qui pose en refusant son intégration à ce groupe..) ou beaucoup plus précisées (Lucereau qui permet de dater en 1880, et non pas « entre 1880 et 1890 »)) et qu’il n’ aucune légitimité a essayé d’interrompre le débat sur cette photo tant qu’il n’est pas capable d’apporter lui-même une preuve définitive de la présence de Rimbaud. S’il a des arguments solides pour détruire l’idée de l’anniversaire de mariage, qu’il les donne, ca clôturera le débat sur ce point. Mais pas d’intimidation.

    Charles Martin.

  55. Carloman fait erreur : la désinformation, notamment financière (rumeurs infondées lancées sur une place de marché pour faire chuter une action), peut être punie par la loi, même en l’ absence d’injures, de diffamation, ou d’ atteinte à la vie privée.

    Cela dit, jusqu’à présent ici il n’ s’ agit pas de désinformation (à condition qu’on puisse exhiber la photo Tian dont on fait état) mais de recherches ; si l’existence de cette photo s’ avérait imaginaire, alors oui la situation serait plus délicate.

    Ce qui n’enlève rien au fait qu’on attend de voir (avec un intérêt réel) comment Desse/Lefrère vont réfuter cette nouvelle hypothèse.

    Charles Martin.

  56. La rosée du matin a fait naître une forêt de pseudonymes. C’est étonnant le nombre de gens qui ont l’air de très bien connaître ce dossier et ses multiples rebondissements depuis deux mois, et ne s’étaient jamais exprimés jusqu’ici. « Carloman » pour sa part ne semble pas avoir tout suivi, je le rassure : les limites légales du débat intellectuel ont déjà été franchies à plusieurs reprises, et sur un plan juridique il y a eu bel et bien atteinte à la réputation professionnelle de personnes. S’il s’agit réellement de nouvelles informations nous les considèrerons et accepterons leur éventuel apport (encore faudrait-il que nous en ayons connaissance). En attendant, les messages envoyés depuis ce matin, incluant celui de « Carloman » (posté sur différents sites, lui aussi), ne sont pas autre chose, juridiquement, que des lettres anonymes.

  57. Une nouvelle fois, l’atteinte à la réputation professionnelle ne peut constituer le délit de diffamation que lorsqu’elle renferme l’imputation d’un fait précis susceptible de faire l’objet d’une preuve contraire. Dans le cas contraire, il s’agit d’un jugement de valeur et d’une simple opinion entrant dans le cadre de la liberté d’expression.

    Les messages envoyés depuis ce matin ne sont, ni plus ni moins, que des apports visant à découvrir la vérité sur la présence, ou non, de Rimbaud sur cette photographie. Ils sont anonymes, certes, ce qui n’exclut en rien leur crédibilité. Il me semble que sur Internet, il est tout à fait légal d’utiliser un pseudonyme.

    En revanche, je le répète, les pressions exercées pour entraver la liberté d’expression à seules fins de préserver ses intérêts financiers, est tout simplement inadmissible ! Les menaces de poursuites judiciaires sont risibles, ce d’autant que de telles poursuites mèneront leurs auteurs droit dans le mur !

  58. laquelle désinformation financière fait surtout référence à l’article 1382 du Code civil, disposition générale condamnant notamment les actes de concurrence déloyale et le dénigrement à l’égard des personnes MORALES (c’est-à-dire les sociétés).

    au passage, en matière de presse, l’article 1382 n’est pas applicable.

  59. Oui Desse est (malheureusement, parce que je l’aime bien) risible ce matin, mais on mettra cela sur le ton de l’ émotion qu’il doit ressentir depuis minuit.

    (Au passage, dans son message de 11:44 il vient tout simplement de reconnaitre qu’il ne sait rien sur ces nouvelles informations !! ce qui ne l’empêche pas de dégainer illico !! Du calme, du calme…)

    Carloman écrit : « Il me semble que sur Internet, il est tout à fait légal d’utiliser un pseudonyme. » C’est tellement vrai que le sénateur Jean-Louis Masson vient juste de déposer une proposition de loi en sens contraire : c’était dans toute la presse il y a …deux jours !

  60. Oui Charles Martin 🙂 Et une telle proposition de loi n’a strictement aucune chance d’aboutir !

  61. Il me semble qu’il est un peu tôt pour passer directement au volet juridique du débat. Attendons les précisions promises, puis nous en tirerons les conclusions, voilà tout. Pour l’historien, jusque dans ses derniers rebondissements, cette affaire est passionnante, unique et pleine d’enseignements!

  62. Attendons d’avoir plus de renseignements sur cette autre photo, nous ne sommes pas à l’abri d’un gros canular vu la multiplicité des pseudonymes utilisés (une copie récente de l’original étant du domaine du possible, il faudra comparer de très près les deux exemplaires).

  63. Oui André, cette affaire est passionnante, et j’ai hâte de connaitre le fin mot de l’histoire !!

    Je suis juste choqué de constater que Monsieur Desse n’a aucun scrupule à exercer une pression sur l’expression de tous ceux qui sont susceptibles de remettre en cause ce pour quoi il a empoché des dizaines de milliers d’euros. Je pense, en particulier, à tous ceux qui brûlaient la liberté d’expression sur le bûcher pour assurer la continuité de leur pensée unique.

    Quelle que soit l’issue de cette « affaire », il y a un doute sur la présence de Rimbaud sur cette photographie, doute corroboré par des nombreuses interventions de rimbaldiens sur divers sites internet. C’est justement parce qu’il y a un doute que Monsieur Desse s’inquiète pour son porte-monnaie ! Du coup, il menace toute personne qui s’aviserait à révéler une information remettant en cause la présence de Rimbaud sur cette photographie et, partant, la vente de la photographie. Pathétique.

    Mais bon, Monsieur Desse n’est pas, à ma connaissance, un spécialiste de Rimbaud. Je ne doute pas de sa bonne foi au moment de la vente de la photographie. C’est son acharnement inadmissible à empêcher toute révélation portant atteinte à ses intérêts financiers que je dénonce : autrement dit, à soulever le spectre de l’action judiciaire devant des propos / révélations / informations qui entrent pleinement dans le cadre d’un débat historique et scientifique !!

    En effet, par qui a été conseillé Monsieur Desse ? Par Monsieur Jean-Jacques Lefrère. Or, même s’il s’avère que Rimbaud est bien sur cette photographie, Monsieur Jean-Jacques Lefrère aura gravement manqué de prudence en affirmant que Rimbaud est sur cette photographie (alors même qu’il y a débat sur ce sujet) et en faisant publier en avril dernier son dernier ouvrage « Sur Arthur Rimbaud, Correspondance Posthume » avec la photographie présumée d’Arthur Rimbaud en page de couverture. Sa crédibilité de spécialiste rimbaldien est donc, de ce fait et me concernant, pleinement atteinte, mais chacun doit se forger sa propre opinion après avoir lu les arguments et articles des uns et des autres.

    Inutile de fonctionner avec les menaces d’action judiciaire, ça ne prend pas avec moi, je connais mes droits. J’assume la pleine responsabilité de mes propos, lesquels sont formulés dans l’indépendance d’esprit la plus totale et en l’absence de la moindre animosité personnelle envers quiconque.

  64. Oui le manque de prudence est avérée – je crois qu’une fois qu’on aura tout compris de cette photographie, on relira avec délectation l’ article originel d’Histoire Littéraire…il n’en restera pas grand-chose.

    Concernant les réactions de Mr Desse, oui, son ton est désagréable, mais je pense qu’il réagit ainsi face à ce qu’il sait être un canular (j’ai dit plus haut que l’ « anniversaire de mariage » ne cadre pas avec ce cliché là)- peut-être n’aurait-il pas exactement la même attitude face à quelqu’un qui lui soumettrait, dans un bon esprit, de nouvelles hypothèses.

    Sinon, c’est vraiment le bal des guignols : sur un autre site, celui qui annonçait hier soir une conférence de presse avec « du lourd » en est maintenant à expliquer qu’il n’a pas encore LA preuve ! ! Misère…

    Pour couper court a toute polémique, je précise que je suis de ceux qui, à l’instant présent, croient a Rimbaud sur la photo. Mais cela ne m’empêche pas d’être déçus par ceux qui défende le même point de vue mais avec si peu de méthode.

    Charles Martin.

  65. Une nouvelle fois Charles Martin, nous sommes pleinement d’accord. Je pense aussi qu’il s’agit bien de Rimbaud sur la photographie. Mais je reconnais qu’il s’agit seulement d’une intuition 🙂

    Ensuite, il s’agit sûrement d’un canular (miséricorde, que l’auteur du canular soit pendu sur le bûcher !!). Mais ce que je pense être un canular a au moins le mérite de montrer à quel point certaines personnes, sûres d’elles au départ, le sont beaucoup moins aujourd’hui…

  66. Si la découverte dont parle le forum Rimbaud doit passer directement dans le 20 heures, c’est qu’elle émane de quelqu’un d’important. Hier, il y avait une réunion à Charleville-Mézières autour du don, à titre gracieux, qui a été fait au Musée Rimbaud des documents rimbaldiens de la famille Bardey. J’ai été invité aussi, en tant qu’ayant participé au dernier numéro de la revue Rimbaud vivant, pour une plaque commémorative qui sera inaugurée ces jours-ci, mais je ne me rappelle plus la date et je ne pourrai pas m’y rendre.
    Si la photo a été prise à une occasion spéciale le 8 août 1880 rendant naturelle la présence de deux photographes, il me semble que l’occasion spéciale serait la rencontre entre Révoil et Bidault de Glatigné. Révoil aurait communiqué du matériel à Bidault de Glatigné.
    Je maintiens que l’article de monsieur Gunthert me dérange en affirmant que la photo date de 1884-1886 et en maintenant la comparaison avec un dessin non fiable d’Isabelle Rimbaud, comme je maintiens qu’il faudra se lever tôt pour expliquer quand, comment Rimbaud a posé pour les tableaux de Forain et de certains Garnier et Rosman.
    Mais bref. Selon Lefrère, Révoil est débarqué avec des plaques utiles à la nouvelle méthode au gélatino-bromure d’argent. Cette technique a connu d’importants progrès notamment en termes de temps d’exposition vers 1878 et elle semble liée à l’idée aussi de quasi saisir le mouvement. Enfin, je me pose la question du retardateur. De quand date précisément cette invention, puisque la photo daterait du 8 août 1880?
    Autre point à éclairer. Où logeait tout ce monde? A l’hôtel de l’univers ou à Aden-camp. Il y a 4 à 6 kilomètres d’écart selon les sources. Rimbaud aurait fait tous les jours le trajet à partir du 16 août, matin et soir. Son courrier ne se serait pas arrêté à l’hôtel de l’univers, mais il aurait été directement communiqué à Aden-camp. Rimbaud aurait logé à l’hôtel de l’univers, alors qu’il est sans emploi depuis près de deux mois.
    Révoil est-il demeuré à l’hôtel de l’univers ou n’y a-t-il passé qu’une nuit, sinon deux? Si la photo est du 8 août 1880 et qu’on prétend le prouver, voilà qui me semble supposer l’existence d’un document datant la durée et l’époque du passage de Révoil à l’hôtel de l’univers. Il arrive le 7, demeure jusqu’au 8 ou 9 à Steamer point avant de se rendre à Aden. C’est possible.
    Les Bidault de Glatigné sont-ils venus l’accueillir et l’emmener?

    Maintenant, pour ceux qui ont l’intuition que ça peut être Rimbaud sur cette photographie, rappelons que la pointe des cheveux sur le front gêne depuis le début l’identification. La superposition des regards des photos Carjat et de l’inconnu ne colle pas non plus et on compense péniblement par l’argument du regard blanc, ce qui n’est pas très clair comme contre-argument.
    On sait que la photo Carjat 1 a été retouchée par Berrichon pour ce qui est des ombres et que cela a deux conséquences. Ces ombres donnent une fausse impression du visage, premier point, ces ombres donnaient l’impression d’une différence d’âge entre les deux photos Carjat, ce qui n’a plus lieu d’être avec l’état Carjat proposé par Delahaye, deuxième point.
    La nouvelle photo daterait du 8 août 1880 et la présence de Lucereau montre qu’elle ne peut guère être plus tardive.
    Or, dans de telles conditions, la comparaison initiale qui avait déjà choqué de nombreux intervenants, y compris des non rimbaldiens Yann Moix ou Alain Korkos, est plus problématique que jamais. Une photo Rimbaud a 17 ans (il arrive à Paris le 15 septembre 1871 et a 17 ans le 20 octobre), sur l’autre même s’il n’est pas sur la photo, la photo est prise quand il a 25 ans et dix mois.
    Cette histoire de ressemblance et de quasi sosie n’est pas convaincante du tout.

  67. Il semblerait que la société de géographie se soit trompée. Elle aurait confondu une photo de jeunesse du colonel François-Aimable Dubar avec Alfred Bardey qui était le patron de monsieur Dubar. Sur la photographie avec Rimbaud, l’employé de commerce Dubar, le barbu tout à gauche, a les cinquante ans bien sonnés. Il a conservé la même structure de barbe, mais il commençait à perdre ses cheveux. Dubar a accueilli Rimbaud à Aden lui laissant le temps de se remettre d’une grave maladie et l’a embauché. La présence de Dubar remplace avantageusement l’absence de Bardey et nous explique la compagnie de Rimbaud sur cette photo. Une nouvelle énigme vient d’être résolue.

  68. L’oreille de Rimbaud pour les deux photos Carjat présente à chaque fois un lobe supérieur bien arrondi, à s’en fier aux reproductions classiques. L’état de la première photo Carjat proposé dans une revue en 1906 par Delahaye révèle une oreille moins arrondie, ce qui rend peu crédible l’idée que finalement Berrichon n’ait pas retouché la première photo. Mais ce qui soulève aussi un étonnant contraste si on compare l’oreille particulière de Rimbaud avec l’oreille de l’inconnu qui, elle, est bien arrondie et bien décollée comme si c’était une nageoire de poisson-volant.

  69. Nous sommes au regret de diffuser le communiqué suivant :

    Des messages diffusant de fausses informations sur la photo de Rimbaud ont été postés sur différents sites, sous les noms de Lara, Marie Rinaldi, Maria Rinaldi, Cédric Verbeckmoes, Jérémie, Jérémie Lucereau, Jérémie Lepetit, etc. Une partie de ces messages a été bloquée par des webmasters, pressentant la manipulation.

    Ces messages proviennent d’une même personne. Ce personnage et une poignée d’autres, n’ayant pas réussi à trouver le moindre élément qui contredise la présence de Rimbaud sur ce cliché, en viennent, de manière totalement irrationnelle et irresponsable, à pratiquer la tactique de la terre brulée, par la désinformation et le harcèlement.

    Précisons que cela fait deux mois que durent ces attaques, dont ce qui apparaît sur le Net n’est que la partie visible.

    Par ailleurs, une nouvelle vague de messages, de même facture, a été mise en ligne ce matin 13 juin vers 5 heures sur de nombreux forums (France 2, Etudes littéraires, Grain de sel, Partagelecture, Discutons.org…). Ces messages donnent un lien renvoyant en apparence vers le site de la revue Histoires littéraires.

    L’auteur de ces manipulations aura très bientôt à rendre compte de ses actes.

    Pour notre part, nous publierons prochainement un important dossier faisant le point sur l’histoire de cette photographie de Rimbaud, donnant des informations toutes récentes, ainsi que les pistes nouvelles qu’ouvre cette recherche.

    Alban Caussé & Jacques Desse

  70. COMMUNIQUE OFFICIEL

    Vous croyez que la tentative d’intimidation va opérer ?

    Ah que je n’aime pas ces manières… Les rimbaldiens sont aussi risibles les uns que les autres !

    FIN DU COMMUNIQUE OFFICIEL

    Carloman

  71. Vérification faite, il s’avère que les soupçons d’Alban Caussé et Jacques Desse sont parfaitement fondés: les commentaires ci-dessus signés Marie Rinaldi, Jérémie Lucereau et …David Ducoffre n’ont qu’une seule et même adresse IP! La rimbaldologie n’exclut donc pas l’humour – à moins que ce ne soit cette spécialité qui confine à la blague. Quoiqu’il en soit, remerçions Ducoffre de nous avoir diverti en revêtant son costume de garçon de bain. On pourra désormais apprécier à leur juste valeur les comparaisons d’oreilles et autres démonstrations amusantes d’esthètes qui s’ennuient le dimanche. Ces jeux ont également l’avantage de montrer qu’on a fait le tour de la question. S’il ne reste que la plaisanterie pour nourrir l’objection, les découvreurs n’ont plus qu’à déboucher le champagne 😉

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