Pourquoi la conversation l'emportera

Comme la radio est devenue, pour des raisons pratiques, le média privilégié de la circulation automobile, les journaux papier sont de plus en plus des objets de consommation ponctuelle, dans des situations de déconnexion, particulièrement les transports en commun. Alors que les kiosques à journaux périclitent, les gares ou les aéroports comptent parmi les derniers endroits où le commerce de l’information reste vivace.

Présentoir de magazines, gare Saint-Charles, Marseille, août 2013.

Pourtant, l’autre jour, en rentrant de voyage, je suis ressorti les mains vides de la librairie, malgré la perspective d’un long trajet en RER. Ce n’est pas la première fois que la ribambelle des Unes échoue à éveiller mon désir. Si cette offre ne me tente pas, c’est parce que mes propres outils de sélection des sources m’éloignent des récits médiatiques les plus courants, qui perdent de leur pertinence à mes yeux.

J’ai donc passé mon trajet à lire et à commenter mes flux Facebook et Twitter. Une activité moins confortable que la lecture d’un magazine, compte tenu de l’étroitesse de l’écran de mon smartphone et d’une connexion 3G parfois fluctuante, mais néanmoins plus satisfaisante que la consommation d’un support d’information non interactif.

La raison de cette désaffection n’est pas évidente pour tout le monde. Selon Bernard Guetta, prix Albert-Londres et éditorialiste vedette à France-Inter, «la crise de la presse occidentale est avant tout celle des grands courants de pensée européens et américains (…), la conséquence de la panne d’idées occidentale».

Si l’expert en géopolitique lisait un peu moins ses organes favoris, et un peu plus internet, il serait étonné de la diversité et de la richesse de pensée qui s’y exprime, très loin de la « panne d’idées ». On pourrait plus opportunément pointer la frilosité et le conformisme du filtre médiatique, que ses contraintes économiques poussent vers un lectorat de plus en plus âgé et nanti.

Construits par le jeu des affinités et par tests d’essai/erreur, les bouquets informationnels des réseaux sociaux proposent par définition un ciblage plus fin et plus adapté que n’importe quel média de masse. Mais ce n’est pas la seule raison qui les impose comme l’alternative définitive à la consommation de la presse.

Le spectacle de l’actualité ne nous est pas offert pour notre seul divertissement. Ce qui fonde la légitimité de la presse est de porter à notre connaissance des informations qui nous sont utiles pour diriger notre vie. A la différence d’un loisir que l’on peut consommer passivement, elles sollicitent donc notre jugement et sont supposées faire l’objet d’une appropriation voire d’une réutilisation.

Au temps du petit noir sur le zinc, on se saisissait des infos pour les disséquer entre amis. La conversation est un espace de formation du jugement par la confrontation des avis. Nous y recourons pour tester et améliorer nos évaluations, pour apprendre ou pour faire étalage de notre savoir, pour négocier notre place dans le groupe.

Dans la descendance du web interactif, les réseaux sociaux, et tout particulièrement Facebook, se sont construits non seulement comme des espaces propices à la discussion, mais comme des machines à entretenir et à récompenser la conversation. En favorisant l’une des compétences les plus fondamentales de la vie en société, ils sont devenus des outils irremplaçables de la médiasphère.

Dès lors qu’elle s’applique à l’actualité, la possibilité de discuter une information est évidemment préférable à sa seule consultation. Information + conversation forment l’équation magique des réseaux sociaux, qu’aucun média papier ne peut concurrencer.

Lecture au petit déjeuner, café parisien, juin 2013.

Suffit-il d’ouvrir un article aux commentaires pour bénéficier de cette puissance? Il faut entrer plus avant dans la dynamique conversationnelle pour comprendre que l’interaction n’est pas qu’un problème de dispositif technique, mais un changement d’énonciation.

A la différence d’un article clos sur lui-même, la dynamique conversationnelle suppose de faire une place à l’autre. Si les commentaires sur les sites de presse sont si souvent vindicatifs, c’est parce que la technologie interactive est appliquée de force à des énoncés qui n’ont pas intégré les paramètres de cette nouvelle logique – celle de l’échange entre pairs ou du choix d’un objet partageable (exemple typique d’objet non partageable: le privilège critique qui permet de parler d’un film avant sa sortie).

Pourquoi préfère-t-on discuter d’un sujet d’actualité sur son réseau social plutôt que sur un site de presse? Si la possibilité de la conversation est toujours préférable à son absence, l’énonciation s’adapte aux conditions du dialogue. L’entre-soi et la maîtrise des conditions de l’échange favorisent la formation du jugement. Un nombre excessif de participants contrarie la confrontation des avis et encourage une énonciation purement déclarative. De nombreux scandales médiatiques déclenchés par un tweet ou un commentaire intempestif proviennent de l’inadaptation d’énoncés localisés soumis à une exposition imprévue.

Dans mon précédent billet, consacré à la pratique du blogging dans un contexte académique, un collègue me répond en critiquant la publication prématurée de résultats non soumis au processus classique de validation scientifique.

Pourtant, là aussi, le bénéfice de la conversation est mesurable. C’est cette contrainte qui, en modifiant les conditions mêmes de l’échange, contribue à enrichir mes approches et mes questionnements. Piocher parmi les sujets anecdotiques ou les controverses d’actualité est une manière de prendre mes distances avec mon autorité académique et de donner prise au commentaire. En toute logique, c’est en m’écartant des terrains qui me sont familiers que je suis susceptible d’apprendre des choses nouvelles. Après huit années de pratique régulière du blogging, il m’apparaît qu’aucun de ces excursus n’a été infructueux. Au contraire, ce sont ces pas de côté, ces confrontations et leur lot d’enseignements inattendus qui ont le plus apporté à ma recherche.

Je n’affirmerai pas qu’en ligne, comme dans la vie, aucune conversation n’est stérile ou vaine. Mais je suis persuadé que la contrainte conversationnelle compte, pour les chercheurs, parmi les plus puissants outils du renouvellement de l’analyse.

Elle représente dès maintenant l’une des principales attentes du public, et tout porte à croire que cette exigence continuera de progresser. Plus tôt que d’autres médias, la télévision a compris qu’elle pouvait tirer parti de la « télé sociale« , autrement dit la dynamique conversationnelle qui accompagne désormais les émissions d’actualité ou de débat. Cette leçon est encore loin d’être acquise: dans le cas fameux de la page de soutien au bijoutier de Nice, on a compté les like (1,6 millions), mais pas les mentions, qui dépassaient largement ce total, pour atteindre 2,8 millions…

Que ce soit dans les sciences, les arts ou le journalisme, nous avons tout intérêt à comprendre ce que signifie cette nouvelle donne. Pour ceux qui sauront y répondre, la proximité issue de l’échange ne sera pas un facteur d’affaiblissement, mais au contraire la source d’une nouvelle crédibilité. En cette période de crise des élites, c’est une perspective qu’on ne traitera pas à la légère.

(Billet mis à jour le 23/10/2013.)

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19 réflexions au sujet de « Pourquoi la conversation l'emportera »

  1. « A la différence d’un article clos sur lui-même, la dynamique conversationnelle suppose de faire une place à l’autre. »

    Tout à fait juste et l’expérience concrète du blogging nous le montre, le billet qui vit sur le web, qui suit son chemin et féconde la réflexion, celle de l’auteur et celle des lecteurs, c’est le billet qui invite l’autre à le compléter… en réaction négative (correction, contestation…) ou en réaction collaborative (intensification, précisions, discussion partielle…) … la republication d’articles écrits pour des revues papier, généralement beaucoup plus aboutis et plus autonomes, c’est-à-dire fruits d’une pensée « clôturée », vérifiée, ce qui est nécessaire pour passer les barrages du comité de lecture, n’invite pas à la conversation et ces articles restent souvent solitaires, broutant leur herbe dans les alpages silencieux du Web… ce qui ne veut pas dire qu’ils ne sont pas utiles en ces lieux, mais y répondre supposerait peut-être un autre support, une autre forme d’intervention… ou des espaces trop importants pour un commentaire…

    Ce qui montre que le blogging a inventé une forme de texte et un degré de communication nouveaux, parlé/écrit, entre les remarques un peu conventionnelles et plates des interventions orales spontanées en colloques qui innovent rarement et les écrits plus pensés des revues… un degré où les réflexions bougent et vivent, où l’idée prime sur le contexte de son énonciation, sans les contraintes de la représentation académique …

    Cependant, je crois qu’il faut savoir aussi se retenir… parfois, certaines idées ont besoin de temps et de recul… de trouver le bon moment et le bon objet d’analyse… si les « métiers » de blogueur et de commentateur s’apprennent vite, celui d’éditeur qui nous échoit aussi, est bien plus subtil…

  2. Bonjour André. Je suis globalement d’accord avec toi, toutefois je crois utile de s’arrêter plus que tu ne le fais sur un avant de la conversation sur base de contenus journalistiques : le partage, tout simplement, à partir duquel une conversation à proprement parler ne suit pas nécessairement. L’une de mes frustrations croissantes de lecteur de presse imprimée est de ne pas pouvoir partager un article intéressant aussi facilement qu’on peut le faire avec un article en ligne, même en accès payant.

    Les commentaires et la conversation en ligne ne sont qu’un des bénéfices possibles. Il y a aussi, tu le sais, le like et ses équivalents sur différents réseaux sociaux (qui peuvent induire un partage de facto), les retweets et autres formes de simple renvoi (y compris les favoris partagés via Diigo, Delicious ou autres), etc., qui eux ne relèvent pas de la conversation, sauf à en avoir une définition très large, qui intégrerait la citation in extenso, explicite ou implicite, sans commentaire et sans véritable échange.

    De ce simple partage, le chercheur tire peut-être autant bénéfice que la conversation. Alors que le PDG de Time Warner ne se demande plus si le partage en mode pirate de la série Game of Thrones vaut davantage qu’une reconnaissance par la profession, l’auteur de contenus en ligne — chercheur, journaliste ou autre — pourra être très attentif à la réception de son travail sous toutes ses formes, y compris le simple partage de son œuvre. Nous pourrions aller jusqu’à (re)parler des probables effets de ces actions de simple partage sur sa réputation (vous avez dit Klout ?). Je suis certain d’enfoncer chez toi une porte ouverte (tu m’enverras la note), mais je voulais marquer un petit temps sur le pas de la porte.

    (J’ajoute que pour ma part, en cas de forte affluence dans les transports en commun, la lecture sur smartphone ou petite tablette rend tout bonnement la lecture d’articles encore possible, ce que ne permet guère le magazine ni le journal, a fortiori. Or l’affluence forte est de plus en plus forte).

  3. @ Olivier Beuvelet: « parfois, certaines idées ont besoin de temps et de recul » Pourquoi toujours opposer la temporalité brève du billet à une temporalité longue (et forcément secrète)? Pourquoi une formulation ponctuelle ne pourrait-elle être comprise dans une économie plus globale, à l’échelle par exemple d’un blog – mais aussi de toutes les formes de publications possibles (car je n’oppose pas bien évidemment l’une à l’autre dans le contexte du travail du chercheur)? Ai-je besoin de te rappeler les étapes d’une maturation que tu as toi-même salué, et qui sont précisément l’apanage du blog (« un métier à tisser intellectuel, un établi collaboratif« , comme tu le disais toi-même avec beaucoup de justesse)?

    Je ne crois pas au murissement solitaire d’une idée de génie, qui finirait par émerger toute prête comme la Vérité du puits. Au contraire, une idée s’expérimente: elle est plutôt comme le morceau de métal sous le marteau du forgeron. Tout l’intérêt du blog est de permettre la mise à l’épreuve d’une observation, d’une intuition, d’une analyse. Je crois qu’une idée ne peut que se renforcer de se voir ainsi soumise à la confrontation des avis. Par ailleurs, l’idée d’un achèvement est peut-être pertinente en poésie ou en art, mais elle ne correspond pas du tout à mon expérience de la recherche. Dans la durée, une idée, même juste, bouge, se déforme et s’améliore (en général 😉 au gré de ses mobilisations expérimentales.

    Enfin, même dans les articles peer-reviewed, il nous arrive de commettre des erreurs. Mais les erreurs ont toujours quelque chose à nous apprendre. Attendre indéfiniment un état de connaissance idéal est le contraire de la recherche, qui passe toujours par des moments de prise de risque et de mise à l’épreuve. Si l’idée romantique du temps long, de la mesure et du recul fait écho aux plus vieilles conceptions de la sagesse antique, j’avoue pour ma part apprécier le rôle d’accélérateur du blog, tant il est vrai que face à la montagne de questions qui nous attend, il n’y a pas vraiment de temps à perdre… 😉

    @ Erwan: Merci de rappeler le rôle du like et de la recommandation, que je ne développe pas ci-dessus, mais que j’inclus à vrai dire, comme la plupart des observateurs, dans l’écologie générale de la conversation en ligne. A cet égard, on peut noter que les spécialistes de la conversation verbale insistent eux aussi sur toutes les formes d’interaction, approbations, hochements de tête, etc., qui viennent appuyer, confirmer ou préciser une communication qui est toujours multimodale (Catherine Kerbrat-Orecchioni, La Conversation, Seuil, 1996).

  4. (…) on peut noter que les spécialistes de la conversation verbale insistent eux aussi sur toutes les formes d’interaction, approbations, hochements de tête, etc., qui viennent appuyer, confirmer ou préciser une communication qui est toujours multimodale.

    Certainement. Mais les simples partages dont je parle ne sont pas forcément visibles ou perceptibles par l’auteur. Je ne voulais pas parler du like comme phénomène immédiatement visible aux yeux de l’auteur, mais d’une conséquence possible et discrète du like qui peut, elle, être inconnue de l’auteur : le partage. Le partage d’un article n’est pas forcément montré à l’auteur par le partageur ; en ce sens, je ne pense pas qu’on puisse raisonnablement rattacher cette activité à la notion de conversation. Lorsque j’ai partagé cet article sur Google+, j’estime n’avoir aucunement conversé avec toi, bien que tu aies pu apercevoir mon post sur Google+.

  5. @ Erwan: La conversation est une appropriation, il n’y a donc aucune raison pour que son exercice reste lié à sa source. Comme tu l’indiques, l’auteur d’une recommandation devient à son tour l’initiateur d’une conversation autonome. Si je viens discuter chez toi d’un signalement que tu as effectué, la conversation ne sera pas semblable à celle que j’aurais pu avoir avec l’auteur de l’article, elle s’adaptera au nouveau contexte qu’aura généré ta citation.

  6. Merci André pour cette réflexion ainsi qu’à Olivier et Erwan pour les échanges qui suivent, qui démontrent par l’exemple que la conversation est prolifique – ce qui s’y dit me semble aussi intéressant que le billet qui en est à l’origine.

    « Je ne crois pas au murissement solitaire d’une idée de génie, qui finirait par émerger toute prête comme la Vérité du puits. Au contraire, une idée s’expérimente: elle est plutôt comme le morceau de métal sous le marteau du forgeron. Tout l’intérêt du blog est de permettre la mise à l’épreuve d’une observation, d’une intuition, d’une analyse. Je crois qu’une idée ne peut que se renforcer de se voir ainsi soumise à la confrontation des avis. »

    Je suis tout à fait d’accord avec toi. Mais le fait est que la démarche du bloggeur ou de la bloggeuse implique à la fois une certaine assurance – ça ne va pas de soi d’oser exposer sur la toile les méandres d’un raisonnement qui se cherche, et qui peut être, de fait, assez maladroit – et d’humilité – il en faut une dose pour admettre qu’une réflexion solitaire n’est pas suffisante, et qu’il vaut mieux « se tromper » au cours d’une conversation/débat de blog plutôt que de publier un résultat non-interactif… mais erroné, dans une revue scientifique reconnue.

    Le sort et sa fameuse ironie veut que je découvre ce billet alors que j’écoute l’émission Service Public, présentée par Guillaume Erner, sur France Inter. Ce matin, cette émission est consacrée à la défiance qui règne dans la société française, et souligne qu’il y a un manque de solidarité et de collaboration notoire entre les français, et que cela prendrait racine, notamment, dans notre système éducatif. Le jour où l’on intègrera que le fait de se tromper publiquement ne signifie pas la ruine sociale et professionnelle de l’individu, peut-être que les échanges qui se tiennent sur les réseaux sociaux prendront davantage de place dans la démarche scientifique. Alors, les bénéfices de l’exposition de sa petite cuisine interne, des cheminements tortueux de la réflexion et la désacralisation des fameux « secrets » scientifiques permettront peut-être à la conversation de l’emporter sur le travail solitaire d’une publication dans une revue scientifique.

    En effet, le rapport à la démarche scientifique sur le mode conversationnel (et donc de partage) me semble vraiment culturel. Pour l’anecdote, j’ai compris il y a peu, en candidatant sur différents postes en Australie (postdoc, MCF), que lorsque je mets en avant toutes mes expériences de recherche « en groupe », mes interlocuteurs-rices anglo-saxon-nes ne comprennent pas trop en quoi cela vaut la peine d’être mentionné, tant cette dynamique est une évidence chez eux. Tandis qu’au cours de mon parcours doctoral (en France), je ne compte pas le nombre de personnes m’ayant fait remarquer que ces expériences, dans un contexte français, restaient relativement rares, et étaient donc à valoriser. Cette expérience ne fait donc que le confirmer : c’est un fait, en France, nous sommes très en retard sur ce sujet. À part sur Culture Visuelle. 😉

  7. @ André,

    Ma remarque était une nuance plus qu’une prise de position, et elle me concerne exclusivement… J’apprends cet aspect du blogging qu’on pourrait appeler la jugeotte éditoriale… (et encore…) et que tu sembles avoir naturellement en tant qu’éditeur chevronné… j’ai regretté parfois d’avoir gâché des occasions de discussion en publiant trop vite et en éventant ainsi, à mon propre goût, la saveur d’une intuition qui pouvait paraître bien fade alors qu’elle ne l’était pas pour moi… en étant pas assez prêt et donc mal compris… quand on publie trop vite on n’avance pas autant que quand on lance une intuition suffisamment étayée ou suffisamment forte, au bon endroit et au bon moment, pour faire réagir autour… je ne dis pas qu’il faille attendre la publication académique mais juste le bon moment, c’est un art, le blogging, et la conversation numérique, pour être utile doit être un tout petit peu moins spontanée que la conversation orale… car il faut un certain degré de solidité à un billet pour qu’il déclenche une réaction utile… Ne pas exclure l’autre par une trop grande maîtrise, mais ne pas le rater non plus par un trop grand relâchement spontané… un bon blogueur est comme un archer zen…

    Ceci dit les choses importantes reviennent toujours par la fenêtre… 😉

  8. @ Aurore, Olivier: La dynamique conversationnelle contredit à l’évidence toutes les formes de la culture de l’autorité, qui structure notamment l’univers scolaire, mais aussi l’univers médiatique. Bourdieu a entrepris une sociologie de l’autorité à l’université qui conserve toute son actualité, et la crise néolibérale semble plonger la France dans une spirale régressive qui favorise les réflexes les plus conservateurs. Dans ce contexte, la vivacité de la nouvelle culture conversationnelle, qui ne paraît pas faiblir, fait clairement partie des signes les plus positifs et les plus encourageants.

    Notons également que les outils numériques nous offrent des espaces d’expression diversifiés. S’adresser à son cercle d’amis sur Facebook expose moins qu’un billet de blog. Il faut se servir de cette palette, qui nous permet de donner des formulations appropriées aux différentes étapes d’un raisonnement. Quoiqu’il en soit, celui-ci finira par être exposé en public, autant le tester tant que c’est possible. Et sachons nous garder d’une susceptibilité de nantis, qui se plaindraient que la mariée est trop belle… 😉

  9. « Aurore, Olivier: La dynamique conversationnelle contredit à l’évidence toutes les formes de la culture de l’autorité, qui structure notamment l’univers scolaire, mais aussi l’univers médiatique. »

    ah oh hha oh et quid de l’auteur du blog qui supprime un message ou un pan de la conversation en justifiant qu’il en est l’éditeur et que selon lui cette conversation ne lui sied pas et que le blog est son outil de réflexion! N’est-ce pas une partie de l’exercice de l’autorité.

    WB

  10. Dans un colloque, qui est une conversation organisée, l’exercice de la discussion est modéré par un président de séance, qui distribue la parole et peut la retirer lorsque le temps imparti à un orateur est écoulé. La modération des commentaires par l’auteur d’un blog ou le titulaire d’un compte sur un réseau social est un outil de gestion de la conversation qui, comme toutes les formes sociales, a ses usages et ses limites. Je vous confirme qu’il n’existe pas d’horizontalité ni d’égalité parfaite. C’est pourquoi je n’ai pas écrit: la conversation abolit toute autorité, mais seulement qu’elle contredit la culture de l’autorité. Si vous n’en êtes pas convaincu, il vous suffit d’écouter l’une ou l’autre des diatribes d’un penseur réactionnaire comme Finkielkraut, qui vomit l’égalitarisme du web. Pour ma part, je n’ai jamais dit que la conversation était l’outil d’un monde idéal, mais seulement d’un monde meilleur.

  11. j’adhère à tes propositions André, il se trouve que je travaille pour une thèse de sociologie (tardive) sur les prises de parole en réunions médicales, comment les « non médecins » peuvent ils prendre la parole et donc participer aux concertations professionnelles .. suivant les principes de l’ Analyse de Conversation ( Sacks 72, 74) je cherche à retrouver des séquences d’activités dans lesquelles les non médecins parviennent à « placer » leur contribution.. sur de longs tours de parole des médecins, ils doivent saisir l’opportunité d’interrompre sans causer d’offense,, donc d’anticiper le moment où le locuteur en cours va terminer ou peut terminer, cela se joue donc à un millième de seconde .. la conversation est en effet un espace de co construction et de coordination à la fois cognitive et sociale, mais non dénuée de règles prescriptives et correctives .
    Ton blog est très intéressant..
    Catherine

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