Traduction française de "Cloning Terror"

Les Prairies ordinaires publient la traduction française de l’ouvrage de W. J. T. Mitchell, Cloning Terror ou la guerre des images, du 11 septembre au présent (2011, trad. de l’américain par M. Boidy et S. Roth), 236 p., ill. NB, 26 euros.

Les attentats du World Trade Center et la brutale réplique qu’ils ont suscitée de la part du gouvernement américain n’ont pas seulement engendré de lourdes pertes humaines, ils ont aussi produit de nouvelles images qui ont durablement marqué les esprits. Pour W.J.T Mitchell, ce qu’il s’agit de comprendre, c’est l’entrelacement formé par les événements et les images: laisser un instant de côté la signification des images, leur pouvoir ou les idéologies qu’elles véhiculent, examiner la manière dont les images produites durant la « guerre contre le terrorisme » ont fabriqué des réalités et des affects politiques. En un mot, prendre les images au sérieux.

Depuis le 11 septembre, le terrorisme est devenu indissociable du paradigme du clonage, et la reproductibilité infinie des images a donné naissance à la figure du terroriste clone, anonyme, insaisissable, innombrable, capable de semer la terreur partout et à tout moment. La « clonophobie » contemporaine est à la fois nouvelle et ancienne: nouvelle, parce que la peur du terrorisme s’inscrit pleinement dans notre « âge biocybernétique », défini par l’image numérique et les nouveaux médias; ancienne, parce que la clonophobie est une forme d’iconophobie, vieille peur d’une copie douée d’une âme et d’une vie propre. Cloning Terror, en explorant les différents avatars de cette « image vivante » ressuscitée, s’acquitte magistralement de son principal objectif: poser les bases d’une iconologie du présent.

W. J. T. Mitchell est professeur de littérature et d’histoire de l’art à l’université de Chicago. Auteur de nombreux ouvrages au succès international, il dirige également la célèbre revue Critical Inquiry.

A noter: W. J. T. Mitchell donnera une conférence à Paris le 21 octobre prochain, intitulée “Seeing Madness: Insanity, Media, and Visual Culture”, dans le cadre du colloque “Si la photo est bonne. Le rôle des industries culturelles dans la construction de l’imaginaire”, 16h30-17h30, Auditorium, INHA, 2, rue Vivienne/6, rue des Petits-Champs, 75002 Paris, entrée libre.

4 réflexions au sujet de « Traduction française de "Cloning Terror" »

  1. Merci André pour ce compte rendu. Sans avoir encore lu le livre, je me demande dans quelle mesure cette idéologie ne s’incarne pas en partie dans le film « La guerre des clones » de la fameuse saga. J’avais été frappée à l’époque par l’effet de résonance entre le scénario et le discours sur le terrorisme.

  2. Désolé, c’est juste la 4e de couverture, recopiée à titre de signalement. Le CR proprement dit viendra un peu plus tard… Le contrechamp du livre, que Tom Mitchell était venu nous raconter au Lhivic avant sa parution, est à chercher du côté de la période Bush junior, avec son management de la peur – dont nous avons connu en France une imitation assez convaincante (bien décrite par Laurent Bonelli, La France a peur. Une histoire sociale de l' »insécurité », La Découverte, 2010).

  3. Au contraire, vous visez juste. C’est justement de la Guerre des clones dont il est question dans ce livre (en partie). Pour Mitchell, l’épisode de Star Wars est un des innombrables signes de cette nouvelle épistémè qu’il qualifie « d’âge biocybernétique » (voir son What Do Pictures Want?, bientôt disponible en français aux Presses du Réel), caractérisée par une ontologie de l’image vivante, autogène, des êtres-images « créés à l’image de… ». Il qualifie de telles images de « biopiction »(biopicture). L’un des mouvements sous-jacents de l’approche de Mitchell consiste tout simplement à doter les théories biopolitiques d’une théorie de l’image, en bonne et due forme. Il analyse la problématique « terroriste » exactement en ces termes : le 11 septembre comme création/destruction d’une image (ou « destruction créatrice »), médiatisation, dissémination, propagation virale, etc. — le tout se jouant au niveau de la dialectique entre des concepts marxistes de « processus de vie historique » et de « processus de vie physique » (le dernier chapitre de son Iconologie en pose les jalons).

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